Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle
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 La rencontre de saint Jacques et des divinités du Nouveau Monde

L'actualité récente du voyage du pape au Brésil a appelé l'attention sur les conditions de l'évangélisation des Indiens. Conduite par les Conquistadores, elle s'est appuyée sur les saints qui avaient "fait leurs preuves" dans l'histoire de l'Espagne. Saint Jacques y tient une place de choix. Après avoir aidé à combattre les Infidèles, il apporta son concours à la lutte contre les païens.
Hélène Grinberg, chercheur universitaire en anthropologie religieuse a passé plusieurs années d'enseignement et recherche en Equateur. Elle a confié à la Fondation des notes d'une conférence sur le thème "Carnaval et religiosité dans les Andes équatoriennes ou les métamorphoses d'un saint". L'actualité nous conduit à en extraire l'article ci-dessous.

Une fois achevée la Reconquête de la péninsule ibérique, les chrétiens vont répandre le christianisme par-delà les mers à la suite des conquistadors dont les desseins sont plus pragmatiques (dominer de nouvelles terres et en exploiter les richesses minières). Les récits des chroniqueurs de l'époque évoquent comment Santiago, le patron de l'Espagne, a été introduit sur le continent américain, comment surtout il a été manipulé par Pizarro dans le but d'impressionner les Indiens. L'épisode de la seconde prise du Cuzco, en 1536, en est un exemple remarquable : Les Espagnols sont pris au piège dans la ville verrouillée par les troupes de l'Inca rebelle, Manco Inca. Pizarro décide d'effectuer une sortie. La cavalerie charge tandis qu'éclatent les tirs d'arquebuses. En même temps, les soldats se mettent à crier le nom de « Santiago ». Comme à Clavijo, le cavalier étincelant de blancheur fait son apparition dans le ciel. Mais cette fois, il devient le Mataindios dont l'intervention miraculeuse apporte aux Espagnols une victoire bien improbable contre les Indiens. L'idée de la supériorité du christianisme sur les croyances païennes se confirme.
Pourquoi les Indiens n'ont-ils pas su résister à l'assaut ? Pourquoi se sont-ils enfuis, apeurés? Parce que dans le fracas des armes à feu, associé aux déflagrations du tonnerre et aux éclairs qui semblent traverser le ciel ce jour-là, ce n'est pas Santiago qu'ils voient apparaître mais, affublé d'un autre nom, leur dieu ILLAPA (dieu de la foudre dont le corps est constellé d'étoiles, dieu de la pluie qui féconde la terre, la Pachamama, Illapa provoque aussi le tonnerre et fait tomber la grêle au moyen de sa massue et de sa fronde. Dans le panthéon inca, il est assimilé à un autre dieu important, VIRACOCHA. Dieu civilisateur, celui-ci est le créateur de l'humanité et, à ce titre, l'ancêtre mythique des dynasties incas. La première humanité qu'il a créée aurait disparu dans un déluge qui donna naissance au lac Titicaca d'où Viracocha - immanent à sa propre création - est également issu. Les hommes furent alors sculptés avec l'argile du lac et surgirent des grottes et des sources qui symbolisent encore le lieu d'origine des différentes communautés et qu'on appelait huacas.
Viracocha, qui se retira par la mer, est, comme Illapa, un dieu destructeur. Chaque nuit, on dit qu'il assassine sa compagne, Pachamama. Alors, le soleil, Inti, doit la féconder chaque jour pour que revienne la lumière. Un Inca - qui portait le nom du dieu - préconisa que Viracocha reviendrait un jour par la mer. Aussi, lorsque les Espagnols débarquèrent sur les côtes, on prit naturellement ces cavaliers barbus et violents, pour des dieux, des « viracocha » et leurs arquebuses furent appelées Illapa.
Illapa-Viracocha, confondu avec le dieu des vainqueurs dont on se réappropriait les pouvoirs, revenait, croyait-on, sous le nom de Santiago et l'apparence d'un cavalier, relever l'empire inca. Le culte syncrétique - Illapa-Viracocha-Santiago s'imposa donc tout naturellement.
Ces dieux, qui sont des ancêtres mythiques, se sont réincarnés, d'après les croyances, dans les plus hauts volcans de la Cordillère : c'est pourquoi les missionnaires pensèrent leur substituer les ancêtres de la religion nouvelle en attribuant aux montagnes les noms d'Adam, Eve, Marie ou Elisabeth. Les sources, les grottes, les pierres et les autres montagnes, qui font partie de la Pachamama, constituaient, quant à elles, les lieux d'origine des ancêtres plus récents. Ceux-ci investirent également les croix et les statuettes des saints que les missionnaires avaient introduites.
Voir également l'article de Pablo Nogueira sur le Mataindios

Hélène Grinberg

Dans une seconde partie, Hélène Grinberg montrera comment le culte de saint Jacques a été modifié au cours des siècles.

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