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CHANT DE PELERINS ALLEMANDS DE SAINT-JACQUES (XVe siècle)

Extrait du premier guide allemand du pèlerinage à Saint-Jacques
le Wallfahrtsbuch de Hermann Künig
Léon MARQUET, art. préparé pour Campus Stellae, n°2, 1991


Références :


1 - Es liegen fünf Perg in webschen Landt, Eine Topographie der Pilgerwege von Deutscland nach Santiago in Spanien aus dem 15ten Jahrhundert. Erdkunde 19 (1965) pp 314-325
2 - Dietz Rüdiger Moser, Die Pilgerlieder der Wallfahrt nach Santiago in Musikalische Volkskunst-aktuell. Festschrift für Ernst Kluser zum 75sten Geburtstag, hg von Gunther Moll und Marianne Blöcker, Bonn 1964, pp 321-325 particulièrement pp 332-335.

Si quelqu'un veut gagner l'étranger,
Qu'il se lève, il sera mon compagnon
Sur les chemins qui mènent à Saint-Jacques.
Il lui faudra deux paires de chaussures
Ainsi qu'une écuelle en plus de sa gourde.

Il lui faut aussi un large chapeau
Et il ne pourra aller sans manteau,
Une pelisse bien garnie de fourrure,
Afin que l'air ne le mouille jamais,
Qu'il neige ou pleuve ou qu'il vente très fort.

La besace et le bourdon s'y ajoutent.
Il veillera à être confessé,
Et à avoir fait pénitence,
Car une fois dans les pays romans,
Il ne trouvera pas de prêtre allemand.

Il ne trouvera pas de prêtre allemand,
Il ne saura pas où aller mourir
Ni où faire reposer son cadavre.
S'il meurt quand il est en pays roman,
On l'enterrera au bord du chemin.

Ainsi passerons-nous le pays suisse,
On nous y souhaitera la bienvenue
Et on nous donnera à manger,
On nous couchera et couvrira bien chaud,
On nous nous indiquera la voie à suivre

Et nous traverserons les pays romans
Qui sont inconnus aux gens comme nous,
Puisque ce sont des contrées étrangères.
Nous invoquerons Dieu et saint Jacques,
Et Notre Dame, la Très Sainte Vierge.

Puis nous passerons le pays des pauvres hères,
On ne nous donnera rien que du jus de pomme,
Nous devrons franchir des cols,
Si l'on nous donnait assez de pommes et de poires,
Nous les préférerions aux figues.

Puis nous traverserons la Savoie,
On ne nous y donnera ni pain ni vin,
Nos besaces seront très vides ;
Lorsqu'un jacquet en rencontre un autre,
Il lui donne de bien tristes nouvelles.

Puis nous entrerons dans Pont-Saint-Esprit,
On nous y donnera du pain et du vin,
Et nous vivrons en grande largesse ;
Le Languedoc et l'Espagne,
Nous autres jacquets les louons tous.

Il existe cinq cols en pays roman
Qui sont bien connus des pèlerins :
Le premier s'appelle Roncevaux,
Et le pèlerin qui le passe
Voit ses joues se creuser.

Un autre s'appelle le Monte Castein,
Le col de la Porte doit être son frère,
Ils sont presque identiques l'un à l'autre,
Et le jacquet qui les passe
Mérite le ciel.

Le quatrième est le Rabanel,
Frères et soeurs jacquets y passent très vite.
Ils appellent le cinquième Alle Fabe ,
Là gît maint enfant d'honnête homme
Venu d'un pays allemand.

Le roi d'Espagne, qui porte la couronne,
A construit trois hôpitaux
En l'honneur de saint Jacques
Et si un jacquet y pénètre,
On l'y reçoit poliment et honnêtement.

Mais cela ne convenait pas à un directeur,
Il fit périr trois cent cinquante jacquets.
Dieu ne le laissa pas impuni :
Il fut attaché sur une colonne à Burgos
Et transpercé de flèches acérées.

Le roi était homme de bien,
Il revêtit l'habit de pèlerin,
Pour inspecter son hôpital ;
Il ne voulait pas croire
Les propos des jacquets allemands.

Il entra alors dans l'hôpital,
Et se fit apporter du pain et du vin.
La soupe n'était pas bonne.
"Directeur, mon cher Directeur,
Les pains sont bien trop petits."

Le directeur était coléreux :
"C'est le Malin qui t'a introduit ici,
Voilà qui ne m'étonne pas !
Et si tu n'étais quelqu'un de chez nous,
Je t'occirais comme ces chiens teutons."

Et lorsque vint le soir,
Les jacquets voulant aller dormir,
Le pèlerin voulut dormir seul:
"Directeur, mon cher Directeur,
Les lits ne sont pas bons du tout."

Il donna au pèlerin un tel coup
Que celui-ci fut pris de terreur
Et quitta l'hôpital en hâte.
Quant aux autres jacquets,
Ils rossèrent le directeur.

Lorsque vint le petit matin,
On vit beaucoup d'hommes en armes
Entrer dans l'hôpital
Et s'emparer de l'hôtelier
Comme de tout son personnel.

On l'attacha sur un grand destrier
Et l'emmena à Burgos dans le château.
Là, on le mit aux fers
Voila qui déplut fort
A notre hôtelier.

L'hôtelier avait une fillette,
Qui était une belle coquine.
"Je ne cesse de m'étonner
Que mon très cher père doive mourir
A cause de ces chiens teutons."

Un jacquet l'entendit :
"Voilà qui ne restera pas secret.
J'en ferai vengeance moi-même!"
Et cette même fillette
Fut enterrée sous le gibet.

Pourtant, jacquet, ne t'arrête pas,
Tu as encore quarante lieues à faire
Jusqu'au moutier de saint Jacques
Descends quatorze lieues plus bas
Jusqu'au lieu dit Sombre Etoile .

Laissons la Sombre Etoile
Et entrons à Saint Sauveur,
Voir de grands signes merveilleux.
Puis nous invoquerons Dieu,
Saint Jacques et Notre Dame.

A Saint-Jacques on pardonne fautes et peines,
Que le Bon Dieu nous soit clément à tous
Du haut de son trône suprême ;
Celui qui sert saint Jacques,
Que le Bon Dieu l'en récompense.

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