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UNE JOURNEE D'HOSPITALERO A Logroño EN SEPTEMBRE 2001

Accueillir les pèlerins : ce sujet a, depuis quelque temps fait couler beaucoup d'encre et de salive du fait de l'augmentation constante du nombre des pèlerins sur le Camino Frances, comment pratiquer cet accueil ? Y aurait-il des priorités dans l'accès aux refuges ? , etc. . . .
La réunion de Conques en février 2001 a clairement donné le ton: l'accueil idéal doit être totalement désintéressé, ne doit pas instituer de différences entre les pèlerins quelle que soit la façon dont ils font leur chemin, l'hospitalier n'a pas à juger, mais à ouvrir ses bras et à rendre service de tout coeur avec amour et miséricorde. Il n'a pas, non plus, à imposer sa façon de faire au refuge ou à l' albergue ou il est affecté, mais à s'adapter aux habitudes propres au refuge.

C'est dans cet état d'esprit que je suis arrivé à Logroño en fin août. Je connais bien ce refuge pour y avoir servi trois années déjà, vaste refuge municipal de 68 lits et de 21 « colchones » (matelas par terre), refuge luxueux avec fontaine dans le patio, machines à laver et à sécher le linge, distributeur de boissons chaudes, cuisine parfaitement équipée, sanitaires en excellent état, et même. . . sa majesté «internet ». C'est l'Association des Amis du Chemin de Saint Jacques de la Rioja qui est en charge du fonctionnement, de l'entretien et de la gestion de ce refuge, l'hospitalero jouissant toutefois d'une grande liberté d'action et de la confiance des dirigeants de l'Association.

Dès l'arrivée, le problème, si discuté et sujet de polémiques de la perception d'une somme d'argent auprès du pèlerin à son arrivée au refuge a été soulevé et le président de l'Association a jugé souhaitable que soit rétablie cette perception de 300 pesetas par pèlerin et par jour, remplaçant le « donativo » pratiqué par l'hospitalera précédente. De plus, suite à une question de ma part, il m'a été précisé qu'en cas de réticence ou de refus d'un pèlerin à acquitter cette somme, les bras et le coeur devaient rester ouverts à l'accueil. En pratique, j'ai essayé d'acquérir le réflexe de demander à chaque pèlerin de participer, s'il le voulait bien, à hauteur de la somme décidée, au bon fonctionnement du refuge; il n 'y a eu AUCUN problème pendant ces trois semaines.

Comment se déroule la journée de l 'hospitalero à Logroño ? :
Lever à 7 heures,

les premiers pèlerins étant déjà partis depuis longtemps. A la question, souvent posée : »A partir de quelle heure peut-on partir ? » la réponse était : Liberté totale, à la condition de respecter le sommeil des autres ; quelques contraintes, par contre, pour l'heure limite de départ : le refuge se doit d'être libéré au plus tard à 8 heures et les traînards de 8 h 30 étaient invités à se presser. . . ou à prendre le balai et la serpillière ! . . . en effet, les deux hospitaleros assument, le matin, un certain nombre de tâches domestiques, notamment en aidant la femme de ménage appointée par la mairie. Cette participation au ménage, est un premier point fort du don de l'hospitalero aux pèlerins: geste humble, comparable, toutes proportions gardées au «lavement des pieds ». Je n'ai vu aucun de mes collègues hospitaliers se plaindre de cette tâche qui pourrait paraître ingrate !
Dortoirs, sanitaires, cuisine, escaliers, patio nettoyés, c'est le temps des tâches administratives : comptabilité des sommes reçues le jour précédent : cette comptabilité est nécessaire d'autant plus qu'à Logroño, existe une vente de tee- shirts, de chaussettes, de pins, de cartes postales etc. . . . tout cela doit figurer sur un document comptable mais si cela n'est pas la tâche la plus agréable de l'hospitalero, c'est indispensable et. . . pas bien difficile; autre tâche administrative, préparer le cahier d'inscription des pèlerins. L'entretien du refuge et le temps consacré à soi même amènent l'hospitalero à l'heure de midi et au repas indispensable avant l'arrivée massive des pèlerins.
Entre temps, un certain nombre de ceux ci, auront déjà été accueillis (dépôt de sacs, « sellos », eau fraîche, toilettes. . . ), la règle étant toutefois de préserver au maximum le refuge libre pour la propreté et la préparation de l'accueil de l'après midi.

A 13h30,

c'est l'ouverture des portes. Entre 20 et 60 pèlerins ont déjà terminé leur étape, arrivant, qui de Los Arcos, qui de Torres del Rio et, patiemment, attendent cette ouverture, dont l'heure me paraît bonne ; si possible, j'ouvrais d'ailleurs la porte quelques minutes avant l'heure, heureuse surprise pour les pèlerins ! Ce moment est aussi un des plus importants de la journée, celui ou il faut être à la fois accueillant, rapide et efficace : l'accueil par le sourire, le bonbon et l'eau fraîche, les sièges proposés ; l'efficacité par la présentation rapide de ce vaste refuge en espagnol, en français, en anglais, en n'oubliant pas, le cas échéant, le bongiorno, le bom dia, le gutten tag et le sayonara ! l'inscription du pèlerin sur le registre, et, au plus vite, l'affectation d'un lit pour que l'arrivant n'attende pas trop longtemps la délicieuse douche reposante. Cette séquence prendra en moyenne une heure, au fur et à mesure de l'arrivée des pèlerins salués bruyamment par ceux qui les ont précédés ; l'accompagnement des arrivants et le portage des sacs peut se faire quand il y a plusieurs hospitaliers. Peu à peu, alors que certains continuent à arriver, seuls ou en groupes, d'autres descendent une fois reposés, avec leurs questions et leurs préoccupations éventuelles ; c'est le début de la partie relationnelle du «travail » de l 'hospitalero qui va pouvoir « éponger » les soucis de ses frères pèlerins, échanger avec eux, et Dieu sait la richesse qui peut résulter parfois pour l'un et pour l'autre de tels échanges !
C'est aussi le temps des soins et des attentions portées aux pauvres pieds des pèlerins: ampoules, tendinites, contractures, troubles de la circulation veineuse, etc. . . ; il faut soigner certes, mais aussi conseiller, encourager: le chemin est encore long! Il faut noter, à Logroño, l'aide efficace et rapide des médecins de l'Hôpital Provincial pour les cas dépassant les possibilités du refuge.

Après 18 heures,

on peut considérer que tout le monde est au bercail; seuls quelques cyclistes, quelques marcheurs attardés, quelques personnes commençant leur pèlerinage le lendemain arriveront plus tard. Bien reposés, les pèlerins tiennent leur journal de bord, visitent la Cathédrale et les églises de la ville, font leurs courses, se mettent en quête de l'heure d'une messe, préparent leur repas ou vont le prendre en ville, préparent l'étape du lendemain, bref, vivent leur vie de pèlerins !
Que dire, sur le plan pratique, de ces «priorités» à accorder ou non à certains selon qu'ils marchent, qu'ils roulent, qu'ils soient seuls, en groupe, avec ou sans appui de voiture ? L hospitalier est là pour accueillir : il accueille! Quand il y a de la place pour tous, cela est facile et gratifiant ! On peut, en général prévoir rapidement si les places seront suffisantes ou non ; quand le refuge est plein, à Logroño, les pèlerins sont dirigés vers une maison paroissiale voisine ou ils dorment sur un tapis de sol en général de bon coeur ! Un jour de grande affluence sont arrivés quatre pèlerins à pied avec appui voiture, alors qu'il était prévisible que le refuge serait rapidement plein ; ces pèlerins ont été mis devant leurs responsabilités : accepteraient-ils de dormir dans les lits du refuge alors que d'autres, seuls et sans appui d'aucune sorte dormiraient par terre ? En maugréant, ils ont préféré ne pas accéder au refuge ; il en a été très bien ainsi, bien que, répétons le, si possible tous étaient accueillis.
Et les malades, ou plutôt ceux qui, victimes de leurs pieds endoloris, se voient amenés à se reposer un jour : dans la mesure du possible, il leur était proposé de se diriger vers un « hostal » bon marché (une liste de ces établissements existant au refuge ). En cas de problème, cependant, que celui ci soit de nature médicale, de prix ou de manque de disponibilité de logement, le pèlerin était, bien entendu, gardé un jour de plus au refuge

A 22 h 30,

tous les pèlerins étant de retour, la plupart déjà au lit, il ne reste plus à l'hospitalero qu'à fermer les portes, et à s'assurer que le silence se fait peu à peu.
Le sourire et le merci du lendemain matin seront sa récompense quand il souhaitera « buen camino » à ceux et celles qui reprennent leur CHEMIN.
En conclusion, la seule motivation de l'accueil, du don de soi, du service au pèlerin, en évitant de juger, en ayant comme objectifs outre la miséricorde, le don, le don, le don, sans idée de recevoir, tout cela est un idéal vers lequel il faut tendre. Dans l'ensemble, cela se peut ! Dans la pratique, il apparaît que certaines structures d'accueil demandent un «traitement» particulier ; les grandes structures, riches en matériel, employant du personnel d'entretien préfèrent une gestion programmée basée sur un prix fixé au pèlerin pour les facilités qui lui sont apportées ; cela peut ne pas plaire à l'accueillant ! Mais celui ci est il là pour imposer sa façon de penser ou pour s'adapter, le temps de son passage, aux décisions prises par les responsables du refuge ? Les petites structures sont certainement beaucoup plus conviviales! Aux responsables de l'Hospitalité en accord avec les responsables permanents des refuges, de désigner l'hospitalero en fonction des sensibilités propres de ce dernier ; un hospitalero heureux sera plus à même de pratiquer un bon accueil que celui qui agira contraint et forcé ou qui changera les directives. Par ailleurs, et enfin, en face de ceux, fort rares en pratique qui posent des problèmes à l 'hospitalero, que celui ci, avec sa sensibilité propre, tâche de faire au mieux, tout en ne perdant jamais de vue sa vocation première: L'ACCUEIL.

Alain LE STIR
P.S. :

En trois semaines 1500 pèlerins ont passé une nuit au refuge de Logroño, dont à peu près 200 français.

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