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Accueil mise à jour le 9 septembre, 2005 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente

Charlemagne en Saintonge
Légende de la colline de Puyrolland

Charente-Maritime, ar. Saint-Jean d'Angély, cant. Tonnay-Boutonne

La Saintonge est riche en souvenirs de Charlemagne, sans doute à cause de la chronique dite du Turpin Saintongeais écrite au XIIIe siècle. Cette chronique situe là de nombreuses batailles dans lesquelles se sont affrontés Charlemagne et le roi sarrasin Aigolan, mettant en scène géants et chevaliers, dont Roland bien sûr. D’autres lieux, non cités dans cette chronique, ont cru néanmoins possible de se réclamer de la présence de ces preux. C’est ainsi que Puyrolland s’est inventé une jolie histoire expliquant son étymologie. On la racontait encore au début du XXe siècle. Depuis quand ? On ne sait. Peut-être seulement depuis le XIXe siècle, lorsque fut popularisée la Chanson de Roland. Avant ? La colline portait peut-être tout simplement le nom d’un lointain défricheur ? La légende est très jolie et mériterait d’être assemblée à toutes les autres pour servir de thème à des visites de la région. Dans cette légende, il n’a manqué à Roland que l’aide de saint Jacques, lequel n’avait promis son assistance « en toutes circonstances » qu’à Charlemagne. Il n’était pas dans ses attributions d’encourager les amours de tous ces jeunes et vigoureux chevaliers traînant dans les campagnes.

Le voyageur qui suit le chemin de Jappe-Grenouille à Torxé ne peut manquer de remarquer d’abord, près des maisons de Poursay puis un peu plus loin, en face des Borderies, deux ravins assez larges et profonds et longs de plusieurs centaines de mètres. Ils se dirigent comme deux bras vigoureux vers la colline de Saint-Marmé ; Et l’on s’étonne de rencontrer des accidents de terrains aussi prononcés, qui contrastent avec les molles ondulations des pentes alentour, d'autant plus que la régularité avec laquelle ils sont creusés semble indiquer le travail de l'homme et, de fait ils sont l’œuvre de Roland, neveu de Charlemagne.
En ce temps là, cette colline servait d'ermitage à saint Marmé, vénérable et pieux personnage, dont l’église cependant non plus que l'hagiographie saintongeaise ne fait mention particulière. Avec lui et partageant sa paisible retraite, vivait sa fille, dont les yeux étaient couleur violette, et les cheveux plus blonds que le miel ; Or un jour, que Roland par aventure chassait le loup dans ces parages, il vit la belle enfant, en tomba immédiatement amoureux, et comme c'était un homme de décision prompte, il s'en vint demander sur-le-champ sa main à son père.
Le saint homme fut embarrassé dans le fond de son cœur, il ne lui plaisait guère d’avoir pour gendre l'homme de guerre, un tantinet brutal qu’était alors Roland. Mais d’autre part refuser était délicat. Non sans prendre quelques précautions oratoires, il répondit donc à Roland qu'il lui donnerait volontiers la main de sa fille, mais seulement le jour ou les eaux de la Boutonne passeraient au pied de sa colline. Puis heureux de s'être tiré avec élégance de cette situation délicate, il s'en fut poursuivre d'un esprit apaisé le cours de ses précieuses méditations. Un nouveau travail d'Hercule ! ...
Mais cette condition, pour irréalisable qu'elle apparût, n’était point capable d'arrêter l'ardeur de Roland qui entreprit à l'instant même ce nouveau travail d'Hercule, et sous les tendres regards de celle qu'il considérait déjà comme sa fiancée, se mit à besogner sans repos : pourpoint bas, tête nue, la sueur au front. Il creusait toujours, faisant voler la terre et les cailloux. Le roc sonnait sous son pic, et la nuit ne l'arrêta pas, car la lune, qui fut souvent propice aux amoureux, lui dispensait sa lumière. Le lendemain le double canal s'incurvait vers la colline, encore quelques coups de pioche et les eaux de la rivière viendraient en baigner le pied. Mais lorsqu’en s’éveillant le lendemain matin, saint Marmé, frappé de stupeur, vit son plan déjoué et Roland sur le point de sortir vainqueur de l'impossible épreuve qu'il lui avait imposée, il rompit les pourparlers, et avec une mauvaise foi qui apparaît regrettable, surtout chez un saint, il signifia à Roland qu'il ne serait jamais son gendre. Quelque envie qu'il eut, Roland n’osa s'opposer à la décision du vieillard mais ne pouvant réprimer sa colère, il lança à toute volée son outil à travers l'espace. Cet outil s’en fut retomber à quatre lieux plus loin et en s'enfonçant dans le sol, il forma la butte de Puyrolland. Tant il est vrai qu'hommes et choses de ce temps-là étaient d’autres mesures qu'aujourd'hui. Roland quelques années plus tard devait trouver à Roncevaux la glorieuse fin que l’on sait : quant à la fille de saint Marmé, l'histoire perd sa trace et tout porte à croire qu'elle mourut célibataire.

Aimablement communiqué par l’office de tourisme de Tonnay-Boutonne
Publication des Pays des Vals de Saintonge - Service Patrimoine – 2000,
d’après une légende écrite par maître Raffin
publiée dans l'un des bulletins de la Société d'Archéologie il y a environ 50 ans

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