page établie le 19/01/04
mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil

A cheval vers Compostelle,
impressions d'un cavalier, été 2003

 Un visiteur du site est allé à Compostelle à cheval pendant l'été 2003. A son retour, il a bien voulu nous confier quelques impressions. Bien qu'il se refuse à enquiquiner les autres avec son expérience, il nous a aimablement autorisé à les publier.

Que dire ?
Je vais tenter de répondre à votre demande en évitant de me répandre. Ce voyage fut, pour moi, une extraordinaire expérience personnelle et, bien que dépourvu de toute motivation religieuse, j’ai réellement apprécié d’emprunter ce chemin mythique même si, en France tout du moins, j’avais aménagé l’itinéraire traditionnel afin, pour l’essentiel, d’éviter les grandes agglomérations et leurs banlieues, peu accueillantes et même franchement dangereuses pour des cavaliers.
En ce qui concerne les rencontres : je ne suis pas allé à Compostelle pour me faire de nouvelles relations … et, du fait même de la présence mon cheval, j’avais un rythme différent (mais tous comptes faits guère plus rapide), d’autres problèmes et d’autres préoccupations que les marcheurs. J’ai néanmoins fait la connaissance d’un banquier suisse avec lequel j’ai cheminé depuis Villafranca del Bierzo jusqu’à Santiago; il démarrait deux heures avant moi le matin (le temps de nourrir et préparer mon cheval) et je le retrouvais dans la journée ou à l’étape suivante … Nous continuons à correspondre via Internet ou par téléphone.
J’ai également rencontré, cheminant de Burgos à Léon, un français et sa ravissante gamine … Laquelle gamine - 26 ans quand même mais un peu jeune pour moi - est tombée raide amoureuse non pas de mon auguste personne (ce qui pourtant eût été parfaitement normal) mais du cheval qu’elle s’est mise à dorloter comme un bébé … remuant ciel et terre pour lui procurer de la nourriture, allant une fois jusqu’à appeler la police afin de lui trouver une écurie pour la nuit … La bonne poire que je suis (je vous répète que la fille était ravissante) a recueilli leurs bagages … Ma monture, qui supportait déjà les 70 kilos de l’ensemble de mon matériel, s’est ainsi trouvée métamorphosée en mule de bât et j’ai exclusivement pratiqué la marche à pied huit jours durant … Je revois régulièrement ces personnes qui - la fille surtout - sont devenues des amis.
Le retour - ou plutôt l’atterrissage fut sinon difficile, du moins problématiquedans la mesure où je revenais sur une autre planète … Durant près de trois mois j’ai vécu plus comme un gitan et un vagabond que comme un pèlerin, préférant chaque fois que possible passer la nuit dans un petit hôtel ou sous la tente même s’il m’est arrivé (une fois seulement, à Léon) de m’offrir un quatre étoiles … J’ai eu également quelques difficultés à me réadapter car je m’étais levé chaque jour entre 5 et 6 heures du matin alors que “normalement” j’émerge, dans le meilleur des cas, aux alentours de midi … Autre chose : ainsi que je vous l’ai peut-être dit, mon compagnon d’infortune, physiquement, moralement et nerveusement épuisé, a lâché prise à Viana … Amputé d’une partie du matériel commun et ne parlant pas un traître mot d’espagnol, j’ai déprimé vingt-quatre heures avant de me ressaisir et de poursuivre ma route alors que des amis me proposaient avec insistance de venir immédiatement me chercher.
Conclusion paradoxale : alors que je n’aurais jamais envisagé d’ entreprendre ce voyage tout seul (pas plus d’ailleurs que de le fractionner en plusieurs morceaux) je considère que ce lâchage a finalement constitué un formidable cadeau parfaitement inespéré qui m’a certes compliqué l’existence mais rendu une parfaite liberté et une totale autonomie.
Autre réflexion personnelle à propos de ce périple : entourage et relations me parlent fréquemment de défi, voire de performance ou d’exploit … ce qui me fait doucement rigoler car ce n’est absolument pas dans ma nature … Je n’avais en l’occurrence strictement rien à prouver - y compris moi-même - et l’esprit de compétition m’est parfaitement étranger. Je ne suis qu’un dilettante - parfois tenace et obstiné mais dilettante quand même - qui s’est offert une superbe ballade. Je n’envisage pas de rejoindre une association quelconque : pour quoi faire ? Ressasser mes souvenirs et enquiquiner les autres avec mon “expérience” ? Je me suis rendu, voici quelques semaines, à la présentation, à la Maison de la Savoie à Paris, d’un ouvrage écrit par un pèlerin …C’était sinistre et affligeant. On se serait cru dans une réunion d’anciens combattants … Très peu pour moi.
Je continue à voir régulièrement l’ami qui a lâché prise en cours de route : je le connais depuis près de vingt ans, c’est moi qui l’ai “mis en selle”, il possède une résidence secondaire dans le village où je demeure et - même si c’est moi qui m’en occupe d’ordinaire - nos chevaux vivent ensemble, chez lui. Nos relations se sont nettement améliorées depuis quelque temps car à mon retour il m’a curieusement fait un peu la gueule … et ce de façon d’autant plus étrange que je me suis rigoureusement abstenu de tout commentaire lorsqu’il m’a brutalement annoncé qu’il avait décidé d’abandonner dès le lendemain soir et que je n’ai, depuis, jamais fait aucune allusion à cette “désertion” dont je ne lui ai pas avoué combien elle m’avait été finalement bénéfique.
Mes rapports avec l’histoire sont passablement épars et confus … Avant de le parcourir, je ne connaissais que vaguement le chemin de Compostelle, ville que je n’étais guère en mesure de situer sur une carte … De plus je n’avais jamais mis les pieds en Espagne auparavant.
Ce que je cherchais sur votre site ? Simplement des renseignements de toute
nature susceptibles de m’aider dans la préparation de ce voyage.

D.R.

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