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Monseigneur Louis Duchesne
et
la présence du corps de saint Jacques à Compostelle

présenté par Denise Péricard-Méa, mars 2003

En 1900, Mgr. Louis Duchesne publiait dans les Annales du Midi un article qui a fait date : « Saint Jacques en Galice » dans lequel il démontrait que le corps de l’apôtre saint Jacques ne pouvait pas reposer dans le tombeau de Compostelle. Sa biographie présentée ci-dessous prouve que ses méthodes scientifiques d’historien ont été fort contestées, non par ses pairs qui l’ont au contraire comblé d’honneurs, mais par une certaine autorité ecclésiastique qui pensait encore qu’on ne peut pas être à la fois scientifique et bon chrétien. Dans le cas de saint Jacques, Mgr. Duchesne se montre pourtant d’une grande humilité vis-à-vis de l’autorité ecclésiastique qui venait de reconnaître les reliques de Compostelle.

 

Voici la conclusion intégrale de son article, traitée en sept points :

 

«1° La croyance à l'apostolat espagnol de saint Jacques remonte, en dernière analyse à un remaniement latin des catalogues aposto1iques rédigés en grec vers le commencement du VII° siècle. Ces catalogues ne sont, à aucun degré, des documents traditionnels sur lesquels on puisse faire fond.
2° Vers 1'annéee 830, on découvrit, sur le territoire d'Amaea, dans le diocèse épiscopal d'Iria Flavia, une tombe antique qui fut considérée comme celle de saint Jacques. Le culte dont elle fut bientôt entourée est attesté par le martyrologe d'Adon, compilé en France en l'année 860.
3° Vers le même temps, c'est-à-dire vers le milieu du IX° siècle fut rédigé un récit de la Translation de I'apôtre de Jérusalem en Galice. D'après cette pièce, le corps aurait été rapporté par les sept saints des environs de Grenade, que l'on présente comme des disciples de saint Jacques ; Ce récit suppose la prédication de l'apôtre en Espagne.
Vers la fin du IX° siècle, on fabriqua une lettre du pape Léon, non de Léon III mais d’un Léon imaginaire, qui aurait été contemporain de saint Jacques. C'est le premier document galicien où les catalogues apostoliques ont laissé une trace littéraire évidente, la mention des arcus marmarici
5° Au déclin du XI° siècle ou au commencement du siècle suivant, la lettre de saint Léon fut l'objet d'un remaniement grave, qui écarta le rôle des sept saints et produisit pour la première fois les deux disciples assesseurs, Athanase et Théodore ; en même temps fut éliminé le terme sub arcis marmaricis, que l'on remplaça par l'appellation Liberum Donum
L'Historia Compostellana, terminée en 1139, relève de ce remaniement et le consacre. Depuis lors, la tradition peut être considérée comme fixée.

7° De tout ce que l'on raconte sur la prédication de saint Jacques en Espagne, la  translation de ses restes et la découverte de son tombeau, un seul fait subsiste, celui du culte galicien. Il remonte jusqu'au premier tiers du IX° siècle et s'adresse à un tombeau des temps romains, que l'on crut alors être celui de saint Jacques.

Pourquoi le crut-on Nous n'en savons rien. L'autorité ecclésiastique intervint; on peut croire qu'elle ne se détermina que sur des indices graves, à son estimation. Ces indices ne nous ayant pas été transmis, nous n'avons pas à les apprécier. Les connaîtrions-nous qu'ils échapperaient peut-être à notre compétence»

 

Les conclusions de Mgr. Duchesne témoignent d’un grand respect de ses supérieurs hiérarchiques dont il eut malgré cela beaucoup à souffrir, ainsi que le rappelle sa biographie présentée ci-dessous. Que des remerciements posthumes lui soient adressés d’avoir osé ouvrir une voie que d’autres chercheurs chrétiens se seraient peut-être interdit d’emprunter. En effet, sa Foi fut suffisamment forte pour qu’il ne confonde pas le sens dogmatique du mot « Tradition » avec des légendes, si belles soient-elles.

Une biographie[1] qui lui rend hommage en 1967, rappelle que ses travaux furent parfois contestés, allant jusqu’à une mise à l’Index de l’un de ses ouvrages.

 

DUCHESNE (LOUIS-MARIE-OLIVIER) né à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) le 13 sept. 1843, il était le fils d'un marin qui périt en mer quelques années plus tard. Il fit ses études au collège de S.-Servan, au petit séminaire de s.-Méen et au collège S.-Charles de S.-Brieuc. Après avoir hésité à faire une carrière scientifique, il entra au grand séminaire de S.-Brieuc, puis fut envoyé à Rome pour y achever sa théologie. De retour en France, il fut ordonné prêtre en 1867. Professeur au collège S.-Charles de S.-Brieuc, de 1867 à 1871, il vint ensuite à Paris pour y suivre les cours de l'Ecole des Carmes et de l’Ecole des hautes études. En 1873, il fut nommé membre de l'Ecole française de Rome, qui s'organisait alors comme section de l'Ecole française d' Athènes. A ce titre, il fut chargé de missions archéologiques en Epire, en Thessalie, au Mont-Athos, en Asie Mineure, mais il se consacra plutôt à l’histoire ancienne de l’Eglise et prépara ses thèses de doctorat, qu'il soutint en 1877, à Paris, avec le plus grand succès… Avant même la soutenance, en janv. 1877, il avait été nommé à la chaire d'histoire ecclésiastique de l’Institut catholique qui venait d'être fondé. Son enseignement, très critique, notamment sur les origines des Eglises de Gaule, suscita bientôt des oppositions. Aussi dut-il quitter la faculté de théologie en 1883, tout en conservant une chaire à l’Ecole supérieure des lettres jusqu'en 1895. A partir de 1887, il enseigna aussi à l'Ecole des hautes études, d'abord comme maître de conférences, puis, à partir de 1892, comme directeur d'études. Ses travaux, notamment son édition du Liber pontificalis, lui donnèrent alors une réputation internationale ; en 1888, il fut élu membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. En 1895, il fut nommé par le gouvernement directeur de l'Ecole française de Rome et garda cette fonction, dans laquelle il exerça une grande influence, jusqu'à sa mort, en 1922. En 1900, Léon XIII lui donna la dignité de protonotaire apostolique. Le 26 mai 1910, Mgr Duchesne fut élu à l'Académie française, pour remplacer le cardinal Mathieu.
Ses travaux ont été innombrables. Outre ses thèses de doctorat, les plus importants furent : le Liber pontificatis, texte, introduction et commentaire, 2 vol., 1886-1892; Les premiers temps de I'Etat pontificat (757-1073}, 1898 ; Les origines chrétiennes, son cours de l’Institut catholique, lithographie en plusieurs éditions ; Hist. ancienne de I'Eglise, 3 vol., 1906, 1907 et 1910. Cet ouvrage, paru en pleine crise moderniste*, fut mis à l'lndex en 1912. On lui reprochait surtout des lacunes ou des formules fâcheuses en ce qui concerne I'histoire doctrinale. Mgr Duchesne se soumit à cette condamnation, qui lui fut pourtant douloureuse, car, quoi qu'on en ait dit, de façon souvent bien légère, il était chrétien fidèle. Une suite de cet ouvrage, publiée sous le titre un peu différent, L'Eglise au VIe siècle, ne parut qu'après la mort de I'auteur, en 1924. Mgr Duchesne a donné en outre les Fastes épiscopaux de I'ancienne Gaule, 3 vol., 1894, 1900, 1915, ouvrage qui souleva aussi des polémiques, surtout à cause de son opposition aux légendes concernant les origines apostoliques des Eglises gauloises. Il a édité, en collaboration avec J.-B. de Rossi, le martyrologe hiéronymien dans les Acta sanctorum, t. II de novembre, 1894. On lui doit encore un volume sur Les origines du culte chrétien, étude sur la liturgie chrétienne avant Charlemagne, 1889.

Parmi ses travaux de détail, on peut citer : L'historiographie pontificale du VIIIe s., 1884 ; Les sources du martyrologe hieronymien, 1885 Les anciens recueils de légendes apostoliques, 1895…

Mgr Duchesne fut le principal fondateur et l'un des collaborateurs assidus du Bulletin critique de littérature, d'histoire et de théologie, où il publia surtout, de 1880 à 1901, des comptes rendus critiques d'ouvrages récents. D'une érudition hors pair, il fut aussi un écrivain élégant et clair. II s'est fait de nombreux adversaires à cause de la rigueur de sa critique, qui l'a fait accuser à tort de s'apparenter aux modernistes*, mais aussi et surtout à cause de son caractère caustique et de son esprit mordant. II est indéniable que son œuvre historique a tracé une voie et fixé une méthode pour l’étude impartiale des origines chrétiennes. Il a été le chef de file d'une école d'érudits qui, dans les milieux catholiques, ont continué ses travaux.

Mgr Duchesne est mort à Rome le 21 avril 1922 et a été inhumé à S.-Servan.

 

* Modernisme : Mouvement réformiste catholique ayant touché la France, l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie. En France, il est consécutif à la création des Instituts catholiques en France (1875) qui a suscité une fermentation intellectuelle, théologique et philosophique ainsi que des mouvements démocratiques dans les milieux ecclésiastiques et chrétiens. De 1903 à 1907 les œuvres des modernistes français, anglais ou italiens furent mises à l’Index par le pape Pie X dès son accession au pontificat (Léon XIII meurt en 1903). Pie X condamne l’indépendance de l’exégèse scriptuaire, le criticisme, le subjectivisme, l’évolutionnisme. Le 1er septembre 1910, il impose à tous les prêtres le serment contre les modernistes.

 

A propos de ces événements douloureux Bernard Oury, membre de la Fondation David Parou Saint-Jacques, a retrouvé deux articles parus à l’époque[2], signés de Georges Pinet de Manteyer (1867-1948) ancien élève de l’Ecole des Chartes, ancien membre de l’Ecole française de Rome, archiviste des Hautes-Alpes. Nous en donnons la copie.

De cette lecture, il ressort que l’ouvrage de Mgr. Duchesne, L’histoire ancienne de l’Eglise, après avoir reçu l’imprimatur tant pour la version française que pour sa traduction italienne, se vit interdit (sauf dispense) dans les séminaires puis dans les couvents italiens en 1911. La France est alors en pleine effervescence depuis la Séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905), et les relations avec le Vatican sont très difficiles. L’Etat français s’est ému de cette interdiction frappant un membre de l’Académie française et a attiré l’attention des évêques français restés silencieux. Deux seulement ont alors approuvé la condamnation, ce qui a déclenché les foudres de G. Pinet, qui rappelle que l’un des deux évêques a été nommé par Waldeck-Rousseau, voire par Combes !
Quelques mois plus tard, l’ouvrage est mis à l’Index, sous prétexte de la découverte d’inexactitudes graves. G. Pinet constate amèrement que la politique s’en mêle : l’Italie est bien plus favorable à l’Allemagne qu’à la France et qu’en frappant Mgr. Duchesne, ce n’est pas le Dogme qui est en cause, mais la nationalité de l’homme.

Deux évêques français et Mgr. Duchesne[3]

Nous avons apprécié naguère l'interdiction aux séminaristes italiens, notifiée par le cardinal de Lai, (éminentissime secrétaire de la Sacrée Congrégation romaine Consistoriale, d'apprendre l'histoire des premiers siècles de l'Eglise sur la traduction italienne de l’Histoire ancienne écrite par Mgr Duchesne[4] . Cette interdiction locale et partielle, motivée par la mentalité des jeunes clercs auxquels elle s'adressait, ne pouvait, disions-nous, effacer les deux imprimatur compétents et souverains du Maître des Sacrés palais apostoliques et du Vice-gérant de I'Eglise romaine : ils assurent, dans l'Univers catholique tout entier, la régularité ecclésiastique, au point de vue du dogme et de la discipline, soit pour le texte français soit pour la version italienne, d'une œuvre que notre collaborateur, M. Anatole Leroy-Beaulieu, qualifiait, ici-même, ces jours-ci, de magistrale[5] conformément au sentiment commun de tous les esprits cultivés qui l'ont lue.
L’interdiction locale et partielle de la Consistoriale portée, dit-on, sans perdre de temps, par le cardinal Vivès y Tuto, éminentissime préfet de la Sacrée congrégation romaine des réguliers à la connaissance officielle des supérieurs de tous les ordres ou congrégations qui en dépendent pour les inviter à y obéir[6] . Si cela est, voilà dans l'univers entier, pour autant qu'on y parle l'italien, une bonne part des clercs et non la moindre - tout au moins comme influence directrice - qui, se trouvant assimilés par le plus qualifié de leurs juges à la mentalité des jeunes séminaristes italiens, doivent renoncer sauf dispense, à apprécier personnellement l'œuvre de Mgr Duchesne. Chaque ordre de réguliers entendant d'ailleurs forcément l’histoire générale de l’Eglise suivant l'esprit qui lui est propre, demeure libre de s’attacher au guide qui lui tient de plus près et la décision du cardinal Vives y Tuto, visant l'œuvre d'un prêtre séculier, n'était peut-être pas d'une nécessité urgente pour préserver les réguliers d'un esprit qui n'est pas le leur.
Quoi qu'il en soit, les décisions des deux Sacrées Congrégations romaines Consistoriale et des réguliers ne commandent forcément que des catégories spéciales de clercs parlant la langue italienne.
A de très rares exceptions près, où se distingue forcément le zèle naturel à quelque candidat archevêque, l'épiscopat français n'a pas senti jusqu'ici l'opportunité ni même discerné la possibilité d’étendre à la France des prescriptions de langue italienne.
Un billet indirect de l’éminentissime secrétaire d’Etat du 2 octobre qui, en réalité s’adressait au R.P. Chiandano, religieux italien, est venu tardivement, par l’intermédiaire de notre confrère le Matin[7] , solliciter à son tour l’attention de nos évêques.
Ce billet ne changeait rien à la situation canonique ; mais sa publication, faite en France d'une manière bruyante, invitait a réfléchir.
L'ensemble de notre épiscopat y est, jusqu'à présent, resté insensible et ses chefs demeurent muets ; cependant aujourd’hui, au bout d'un mois, nous connaissons le fruit des réflexions de Mgr l'évêque d'Annecy, qui a été mis à la tête de ce diocèse en 1902, c'est-à-dire par M. Waldeck-Rousseau, si ce n'est pas par M. Combes.
Hier, enfin, le télégraphe nous appris que Mgr. l'évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix, partage, au sud de Toulouse, les sentiments qui animent son confrère au nord de Chambéry. Les Pyrénées renvoient ainsi l'écho des Alpes.
Mgr l'évêque d'Annecy joint, d'une manière au moins étonnante, le livre de l'abbé Claraz, scandaleusement contraire à la discipline millénaire de l'Eglise d'Occident sur le mariage des prêtres, et l'œuvre de Mgr Duchesne, qui se présentent, sans doute, à ses yeux ensemble et au même niveau parce qu'il ne connaît ni l'un ni l'autre. Mgr Campistron en interdit également la lecture « aux prêtres et aux fidèles » de son diocèse d'une manière générale et absolue.
En qui concerne le livre de M. l'abbé Jules Claraz, la prohibition va de soi.
Pour ce qui touche le texte français de l'Histoire écrite par Mgr Duchesne, le seul à la portée des fidèles d'Annecy et de Pamiers, nous nous permettons de demander à Leurs Grandeurs en vertu de quelle autorité elles osent, l'une après l'autre, interdire absolument à tous un livre muni de l'imprimatur du pape et dont la version italienne seule n'a été visée que pour des espèces particulières par deux congrégations romaines dont les laïques français n'ont pas à se préoccuper.
Nous attendons leur réponse avec curiosité dans l'état actuel des choses. Rome a approuvé hier une œuvre qui fait honneur à la France : elle peut, sans doute, la désapprouver demain parce qu'elle peut tout faire. Cependant, cette contradiction surprendrait fort si elle venait à se produire, car il en résulterait forcément qu'il y a eu erreur de sa part, soit en donnant l'imprimatur, soit en le retirant. Mieux vaut ne pas insister là-dessus.
En attendant, si nos évêques ignorent cet imprimatur, ils ignorent ce qu'ils devraient savoir. S'ils ne l’ignorent pas, ils n'ont pas le droit de méconnaître l'autorité universelle des deux représentants, du pape, le Maître des Sacrés Palais et le Vice-gérant, qui, seuls compétents, ont décidé mûrement et souverainement la régularité de l’œuvre due à Mgr. Duchesne.
Pour conclure, disons que cette querelle tardive et exagérée est le fait des théologiens pénétrés de la méthode qui leur est propre.
Les théologiens reprochent âprement aux historiens de n'avoir pas l'esprit théologique. Les historiens souhaitent seulement faire de l'histoire. Les uns et les autres cultivent la vérité ou doivent le faire. Ainsi tout finira bien par s'arranger tôt ou tard.

L'INDEX et Mgr DUCHESNE[8]

Munie de l'imprimatur du Maître des Sacrés palais apostoliques, qui assure, de la manière la plus évidente, au point de vue du dogme et de la discipline, dans l'univers catholique tout entier, la régularité ecclésiastique des écrits qui l'obtiennent, l'Histoire ancienne de l'Eglise due à Mgr Duchesne satisfaisait les historiens les plus difficiles : elle déplaisait aux théologiens et aux canonistes romains. Leurs sollicitations de plus en plus pressantes viennent, paraît-il, d'amener l'Index à en défendre la lecture.
Nous avions dit comment les séminaristes italiens et, bientôt après, les réguliers s'étaient vu interdire la lecture de cette œuvre magistrale qui, d'ailleurs, ne s'adressait pas spécialement à eux [9] . Ces deux interdictions partielles pouvaient répondre à la mentalité des clercs qu'elles concernaient : elles ne pouvaient éloigner la masse des fidèles qui prient et qui pensent. Manifestement, pour les théologiens et les canonistes qui surveillent de Rome la pensée catholique, cela ne suffisait pas.


Il y a deux mois, nous faisions déjà prévoir qu'ils iraient plus loin et nous écrivions : « Rome a approuvé hier une œuvre qui fait honneur à la France. Elle peut, sans, doute, la désapprouver demain parce qu'elle peut tout faire. Cependant, cette contradiction surprendrait fort si elle venait à se produire, car il en résulterait forcément, qu'il y a eu erreur de sa part, soit en donnant l'imprimatur, soit en le retirant. Mieux vaut ne pas insister là-dessus. »

Aujourd'hui, voila donc qui est fait et nous sommes : bien obligés d'y insister : la contradiction existe. Le décret de la Sacrée Congrégation de l'Index frappe, nous dit-on, les inexactitudes découvertes peu à peu par d'éminentissimes très attentifs et impeccables théologiens, dans cette Histoire ancienne. Le Saint père, après avoir naguère approuvé cette œuvre par la bouche du Maître de ses Sacrés palais, la désavoue maintenant par la voie de sa Sacrée Congrégation de l'Index. Mgr Duchesne a trop d'esprit pour croire un seul moment qu'il a pu ne jamais se tromper et, puisque le Saint Siège n'hésite pas, lui-même, à se déjuger en ce qui le concerne, lui, prêtre catholique, ne peut manquer de souscrire la formule traditionnelle d'adhésion a  plus récent jugement du Siège apostolique. L'Index ne veut frapper que l'erreur : les historiens, eux aussi, la combattent et personne ne prévaut contre la vérité.

La France en ce moment n'a pas de chance au delà des Alpes. Le Quirinal (le palais de la Présidence de la République) cherche de la contrebande de guerre chez nous partout où il n'y en a pas ; Le Vatican proscrit une des œuvres françaises les plus appréciées en Europe.

L'esprit public remarquera cette coïncidence. II regrettera aussi que, lorsque le Vatican change d'avis, s'il s'agit de la France, ce soit si souvent dans le sens de la rigueur. Une encyclique et un motu proprio ont été rapidement neutralisés dans leur effet fâcheux, par l'intervention du ministre de Prusse, en ce qui concerne l’Allemagne. Le cardinal de Cabrières, en essayant d'arrêter l’Index dans sa marche contre un membre de l'Académie française, a eu moins de bonheur : il n'avait pas, derrière lui, tout le ferme appui que peut posséder le représentant officiel d'un grand pays. Son geste de gentilhomme ne lui en fait pas moins le plus grand honneur.



[1] Dictionnaire de biographie française, dir. J.C. Roman d'Amat,. Paris, Letouzey et Ané, 1967, t. XI, p. 1242-1243

[2] Pinet de Manteyer, Georges, Au jour le jour (1903-1914), Gap, 1926, p. 70-76

[3] Journal des Débats, du mardi 21 novembre 1911, n° 322, p. 1, col, 2-4 : article

[4] Voir le Journal des Débats du 20 septembre

[5] Voir Ie Journal des Débats du 9 novembre

[6] Voir la Croix du 22 septembre et l'Univers du 23.

[7] Voir le Matin du 22 octobre

[8] Journal des Débats, du mercredi 31 janvier 1912. 124. . année, n° 30, p. I, col, 3 : article

[9] Voir le Journal des Débats du 20 septembre et du 21 novembre

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