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Faverney, sanctuaire marial et eucharistique

Faverney, en Franche-Comté, possède un sanctuaire marial qui a connu un grand miracle en 1608. Une hostie a échappé aux flammes d'un incendie, le jour de la Pentecôte, alors que des indulgences particulières avaient été accordées par le pape à l'occasion de cette fête. Il y eut là de quoi ranimer la foi des fidèles troublée par la Réforme. Aujourd’hui encore, les dimanche et lundi de Pentecôte sont jours de fêtes à Dole. De la ville et des environs « on va à la Pentecôte », c’est à dire à la fête foraine ; le plus grand nombre ignore l’origine de cette tradition.

Faverney, gros bourg au bord de la Lanterne, un affluent de la Saône, est à environ 20 km au nord-ouest de Vesoul, chef-lieu du département de Haute-Saône.

Une abbaye de femmes y a été fondée avant l’an 1000 à une date inconnue. Quand en 1132 Anséri, archevêque de Besançon, l’unit à l’abbaye bénédictine de La Chaise-Dieu, elle devient un monastère d’hommes. Au Moyen-Age l’église abbatiale est un lieu de pèlerinage populaire dit « sanctuaire à répit » : dédiée à la Vierge elle possède une statue, Notre-Dame La Blanche, qui aurait le pouvoir de ranimer les enfants morts sans baptême, le temps nécessaire pour que le sacrement leur soit administré.

Dom Odilon Bebin, entré comme profès en 1635, Grand Prieur quand il écrivit en 1670 L’histoire de l’abbaye de Faverney[1] cite à ce sujet le registre tenu par Dom Maximilien de Gevigney, sacristain de l’église abbatiale : il contient le nom de 489 enfants amenés de 31 villages des environs pour la période entre « la veille de l’Ascension de l’an 1569 jusqu’au vingtième d’août 1593 ». L’église détient également une relique vénérée des fidèles : une ceinture de la Vierge.

Dom Bebin signale que les 2 février, 25 mars, 14 août et 8 septembre, jours de fêtes mariales, il y avait foire à Faverney. A n’en pas douter le village devait être animé et s’il était nécessaire d’y faire respecter l’ordre, l’ abbé pouvait faire appel aux villageois dépendant du seigneur d’Amence. Un « traité de garde »avait été signé en 1295 et renouvelé en 1541 pour « toutes et quantes fois qu’il sera besoing évidament pour défendre, garder et conserver son église, sujets, terre, seigneurie et biens, de force, violence et injures manifestes »[2].

A la fin du XVIe siècle les temps sont difficiles : le roi de France Henri IV déclare la guerre à l’Espagne et le bas pays comtois est systématiquement ravagé ; en 1595, l’abbaye est incendiée. La guerre puis la famine et la peste provoquent sans doute la diminution du nombre des pèlerins. L’abbaye, alors sous le régime de la commende, est en décadence : les six moines restants ne suivent plus la règle de vie monastique[3].

Est-ce pour relancer la fréquentation du sanctuaire que les moines demandent au pape de renouveler l’attribution d’une indulgence aux pèlerins ? En 1604 une indulgence de dix ans et quarante jours est accordée par Clément VIII aux fidèles venus vénérer le Saint-Sacrement dans leur église où il est exposé le jour de la Pentecôte et les deux jours fériés suivants.

En 1608 survient un événement qui a marqué durablement les esprits et suscité  de nombreux écrits : Jean-Jacques Chifflet né à Besançon en 1588 d’une famille de médecins, juristes et ecclésiastiques qui anima la vie de la cité pendant plusieurs générations, écrit l’histoire de sa ville et y inclus ce qui s’est passé à Faverney à l’une des extrémités du diocèse[4]. Comme de nombreux contemporains il raconte :
« le 25 maijour de la sainte Pentecôte, en raison des indulgences accordées à cet effet, le très saint sacrement de l’Eucharistie était exposé publiquement suivant l’usage sous forme de deux hosties consacrées le jour même, enfermées dans un reliquaire d’argent dans l’église du très ancien monastère de Faverney. Or il arriva, on ne sait par quelle fatalité que l’autel en bois, le degré, le tabernacle, les nappes et autres ornements furent détruits par le feu, le marbre sur lequel reposait l’ostensoir gisant brisé à terre ; mais le lourd reliquaire de métal, avec les deux hosties qu’il contenait, resta non seulement intact, mais suspendu en l’air sans qu’aucun support solide ne le soutînt, et ceci pendant 33 heures environ, c’est à dire, jusqu’à 10 heures du matin, le mardi troisième jour de la Pentecôte ». Pendant la messe « le reliquaire se mit à descendre peu à peu et lentementpour venir se placer sur un missel qui avait été placé pour le recevoir s’il venait à tomber ».

L’église était vide lorsque le sacristain avait fermé les portes pour la nuit. Venant sonner matines à 3 heures du matin, il voit le reposoir en partie consumé. Les moines accourus cherchent l’ostensoir et le voient avec stupeur à environ 5 pieds de haut contre la grille du chœur, d’où il redescendra le lendemain comme l’a raconté Jean-Jacques Chifflet, en présence d’une foule de fidèles, attirés par le bruit du prodige, des Capucins de Vesoul et du procureur chargé des affaires de l’abbaye. L’archevêque de Besançon, bien sûr alerté, délègue des enquêteurs.

Les procureurs et avocats fiscaux de l’officialité diocésaine ont entendu 52 personnes étrangères à l’abbaye et 7 religieux entre le 26 mai et le 4 juin. L’original du procès-verbal qu’ils ont dressé a disparu en 1793. Plusieurs copies ont été établies : l’une, à la demande d’un conseiller au Parlement, dûment authentifiée, en 1694 conservée à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris[5], une deuxième dite « manuscrit de Faverney » et une troisième conservée à la bibliothèque de Besançon[6].

Le miracle est publié dès le 10 juillet 1608 par un mandement de l’archevêque Ferdinand de Rye[7]. L’abbé Richard commentant l’événement en 1851 voit la volonté de la Providence d’arrêter les progrès de l’hérésie et de les confondre par un miracle[8]. Nul doute qu’il a servi la Contre-Réforme catholique dont Mgr de Rye a été artisan reconnu. Il y avait en effet dans le voisinage immédiat de Faverney des foyers de protestantisme. Un Luthérien de Montbéliard, Frédéric Vuillard, de passage à Vesoul est venu jusqu’ à Faverney le jour du miracle. Il a été tellement impressionné qu’il abjura après quatre années d’instruction dans la foi catholique[9].

La ville de Dole, alors capitale du comté de Bourgogne sous suzeraineté espagnole, revendique d’avoir en dépôt l’une des hosties miraculeuses. Devant le refus de l’abbaye de Faverney, elle fait intervenir l’archi-duchesse Isabelle-Claire-Eugénie, très catholique et très pieuse souveraine de la province, et obtient satisfaction. Le 18 décembre 1608, dès l’accord obtenu, une procession d’ecclésiastiques et de notables dolois part de Faverney portant l’hostie en grande pompe jusqu’à Dole. Elle est escortée, de villages en villages, par la population et déposée dans la collégiale Notre-Dame. Sur le flanc sud de celle-ci la confrérie des avocats fait construire comme un écrin pour la recevoir, la Sainte Chapelle, premier édifice classique de la province, greffé sur le dernier édifice gothique[10]. La ville de Dole offre à l’église abbatiale en 1609 un grand ex-voto de marbre noir aujourd’hui mutilé « A la gloire de Dieu tout puissant triomphant des feux de l’hérésie ».

Désormais la dévotion à la Sainte Hostie est célébrée le jour de la fête de Pentecôte à Faverney et à Dole par des cérémonies et des processions. Dans la vieille abbaye elle éclipse le culte rendu à Notre-Dame la Blanche.

Le culte à Faverney

Peu avant la Pentecôte 1682 un tremblement de terre se produit dans la nuit, qui endommage sérieusement les bâtiments. L’abbé fait effectuer des réparations et en même temps fait reconstruire des halles plus vastes que les anciennes, pour accueillir pèlerins et acheteurs[11]. Ceciindique que la ferveur n’empêche pas le commerce, et que l’abbé, seigneur des terres de Faverney et alentoursn’y voit pas d’inconvénient.

La Pentecôte 1784 est marquée par un drame: tôt le matin de nombreux pèlerins se présentent pour traverser la rivière la Lanterne par le bac. Le pont dont la construction était depuis longtemps projetée par les moines n’était pas encore réalisé. Le bac est en surcharge avec de plus un carrosse attelé à deux chevaux. L’un d’eux se cabre, effraie les passagers et dans la confusion l’embarcation chavire, provoquant la noyade de bon nombre d’entre eux. Après cela la construction du pont est entreprise, financée par l’abbaye[12]. Il est encore actuellement appelé  le pont des Bénédictins.

L’abbaye entrée dans la réforme de Saint-Vannes[13] en 1613 conserve désormais une stricte pratique. La Révolution interrompt le rituel annuel des célébrations.

En 1794 la Fête de l’Etre Suprême est célébrée dans la ci-devant église abbatiale le 20 prairial an II. Cette date fixée par la Convention étant le 8 juin au calendrier ancien, jour de la Pentecôte[14] , Faverney renoue d’une certaine manière avec sa tradition.

Les vingt religieux partis, leurs biens sont vendus. L’église abbatiale achetée par la municipalité devient un temps magasin des subsistances militaires. Les bâtiments conventuels deviendront successivement prison, hospice militaire puis au XIXe siècle école d’apprentissage du travail de la dentelle pour jeunes filles et, de 1906 à 1967, annexe du grand séminaire de Besançon.

A l’époque du Concordat l’église devient paroissiale, mais elle a beaucoup souffert. Les habitants qui avaient mis à l’abri l’hostie du miracle, et les notables catholiques s’emploient à intéresser les autorités à sa restauration avec le projet de faire renaître le culte. Le cardinal Mathieu archevêque de Besançon présente le miracle de 1608 à l’approbation de la Congrégation des Rites et le pape Pie IX le reconnaît le 18 décembre 1862. Le 255e anniversaire peut être célébré le lundi de la Pentecôte 16 mai 1864 avec, le même soir, une célébration en l’honneur de Notre-Dame La Blanche.

Deux dates vont marquer un temps fort pour Faverney et pour le diocèse :

- en 1878 un pèlerinage eucharistique est organisé pour le 3 septembre. Il nécessite huit trains spéciaux amenant des délégations paroissiales régionales et nationales avec leurs bannières, et de nombreux évêques. La Semaine Religieuse du diocèse de Besançon l’annonce dans son numéro du 8 juin et publie régulièrement des informations pratiques pour la foule de pèlerins attendue.

- en 1908 pour le 3e centenaire, Faverney accueille le 1er Congrès National Eucharistique, du 20 au 24 mai. La participation de personnalités du monde ecclésiastique, de notables catholiques et de pèlerins en grand nombre assure de grandioses cérémonies, dont la Semaine Religieuse rend compte pendant plusieurs semaines. Mgr Fulbert Petit, archevêque de Besançon a fait réaliser par les frères Falize, orfèvres, une copie de l’ostensoir utilisé en 1608 d’après la description figurant dans le dossier d’enquête déposé à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris.

Aujourd’hui le pèlerinage à Notre-Dame la Blanche pour l’Hostie Miraculeuse figure toujours dans les propositions du diocèse de Besançon aux fidèles le lundi de Pentecôte. L’ association Faverney 2008 crée en 2002 prépare actuellement le 4e centenaire. Chaque année elle organise pour la Pentecôte une journée festive de reconstitution historique sur le thème « Faverney au XVIIe siècle ».

Le culte à Dole

A Dole, après le transfert de l’une des hosties du miracle, chaque année la ville organise une grande procession pour la fête de Pentecôte. On y vient de loin : en mai 1619, la communauté de Petit-Noir village situé à une vingtaine de km au sud-ouest de Dole s’y rend en procession avec bannière, croix et cierges. On le sait parce que les dépenses faites pour le dîner donné aux porteurs, au curé, aux familiers, au maire et aux échevins ont été consignées dans ses comptes[15]. Pendant le siège de Dole par l’armée de Louis XIII en 1636, les Dolois ont invoqué la protection divine en priant devant la Sainte Hostie pour la délivrance de la ville. La Sainte Chapelle était le théâtre de manifestations de ferveur et servait de refuge au moment des combats les plus violents[16].

En 1668, Dole est à nouveau assiégée par les armées françaises, mais la ville est vaincue malgré les prières faites en permanence devant l’Hostie du miracle exposée à la Sainte-Chapelle. Louis XIV présent au siège vient, à l’issue de celui-ci, se recueillir devant elle. Dieu s’est-il montré plus français que comtois ? Bien des fois jusqu’à la Révolution les dolois ont fait des processions ou solennellement exposé la Sainte Hostie en cas de péril ou en remerciement. L’Hostie Miraculeuse a été détruite en 1793.

En 1950 pour le 358e anniversaire du miracle, l’évêque de Saint-Claude, dont Dole relève depuis 1746, a demandé que l’hostie de Faverney soit prêtée à Dole. La Semaine Religieuse de Besançon a décrit Le voyage triomphal de la Sainte-Hostie de Faverney à Dole du 9 au 13 juin, selon l’itinéraire de 1608. Après des cérémonies appropriées à la solennité elle a été rendue à son église d’origine.

Aujourd’hui encore les dimanche et lundi de Pentecôte sont jours de fêtes à Dole. De la ville et des environs « on va à la Pentecôte », c’est à dire à la fête foraine, le plus grand nombre ignore l’origine de cette tradition.

Gilberte Genevois


[1]Archives Départementales de Haute-Saône H 536- 59, chap XIV p.45
[2] Dom Grappin Mémoires sur l’abbaye de Faverne, Besançon 1771 p.178
[3]Gresset, M., « Un millénaire religieux en pays dolois », Cahiers Dolois, 1992, p.67
[4]Chifflet, J-J., Vesontio, Besançon 1618, nouvelle édition Cêtre, 1988, p.629-630
[5] Ms 3707
[6]Ms 827-828-829
[7]Gauthier, J., « Le miracle de la sainte hostie de Faverney », Mémoires de l’Académie de Besançon, 1901p.16-41
[8]Richard (abbé), Histoire des diocèses de Besançon et de Saint-Claude, Besançon, 1851, t I, p.291
[9]Archives municipales de Dole, 1341-1342-1343)
[10] Lacroix P. ,Eglises Jurassiennes Romanes et Gothiques, Cêtre, 1981, p 105-106
[11] Eberlé L., Faverney, son abbaye et le miracle des Saintes Hosties, Luxeuil 1915, t. 2, p.411
[12]id. p. 477
[13]A la fin du XVe le prieuré bénédictin de Saint-Vannes, près de Verdun, rétablit pour son usage, la règle de saint Benoît dans toute son austérité. Au début du XVIIe le réforme est introduite dans le comté de Bourgogne.
[14]id. p. 529
[15]Hours H., « La réforme catholique en Franche-Comté, la pratique religieuse à Petit-Noir du XVIe au XVIIIe siècle », Mémoires de la Société d’émulation du Jura, 1983-84 p.389-513
[16]Boyvin J., Le siège de Dole et son heureuse délivrance,Dole, 1637

 

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