page établie le
Accueil mise à jour le 9 septembre, 2005 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente
 

Der Pilger
Le Pèlerin

de Jean Geiler von Kaysersberg (1499)
Traduction résumée et présentation : Bernard Gicquel

Nous remercions la Bibliothèque de l'Etat de Bavière à Münich de nous avoir autorisés à publier les images ci-dessous. Pour les voir en grand format, consulter le site de la bibliothèque par ce lien
Lire ci-dessous la biographie figurant sur ce site et une traduction en français.

Pour Jean Geiler de Kaysersberg, le pèlerin n'est qu'une figuration de l'homme chrétien défini par saint Paul comme un pèlerin sur cette terre et les détails concrets donnés sur les pratiques de pèlerinage ne sont que des manières de concrétiser les obligations générales de la piété chrétienne, celles que l'homme doit accomplir qui veut parvenir à sa fin dernière, le salut. Le pèlerin est donc la figure concrète par rapport à laquelle se définissent les devoirs qui incombent au chrétien.
En réalité seuls dix-huit chapitres, munis chacun d'une illustration coloriée, ont été écrits. Ils s'adressent tous au pèlerin raisonnable, ce qui donne à penser qu'il s'agit non seulement de remédier à des excès qui pourraient être commis par des pèlerins déraisonnables, comme ce fut sans doute le cas fréquent, mais encore de développer une logique de la foi chrétienne à partir de l'image du bon pèlerin. Dans la perspective allégorique, où chaque donnée concrète illustre une vérité morale, - différente au demeurant de celle qui figure dans le sermon Veneranda dies du Livre de saint Jacques - les données matérielles ne sont qu'un support sensible au-delà duquel il convient de déceler les réalités spirituelles (Ces réalités spirituelles font l'objet de longs développements agrémentés de références scripturaires qui remplissent la majeure partie des quatre vingt dix pages de ce traité. Nous les avons réduites à leur plus simple expression dans le présent condensé pour en faire seulement les légendes des illustrations peu connues mais propres à dégager l'image concrète du pèlerin à l'extrême fin du XVe siècle.).

 

« Saint Paul écrit dans son Épître que nous n'avons pas trouvé ici bas de demeure fixe. Nous cherchons une demeure future et c'est pourquoi nous sommes semblables au pèlerin et traversons le monde d'ici-bas jusqu'à ce que nous arrivions dans notre patrie qui est la béatitude éternelle. Si nous voulons y parvenir, il faut que nous ayons les qualités et les dispositions qui sont celles d'un pèlerin et que nous agissions comme le fait un pèlerin. C'est pourquoi je me suis proposé d'étudier vingt qualités et dispositions que doit posséder un pèlerin qui est un véritable pèlerin chrétien, lorsqu'il veut aller au lointain Saint-Jacques ou à Rome pour obtenir la grâce divine et la rémission de tous ses péchés, car lorsqu'on veut partir pour un aussi long voyage, quiconque prépare ce dont il aura besoin en cours de route ».

   

La première obligation du pèlerin est de régler ses dettes envers Dieu et envers les hommes. La précaution n'est pas superflue, car nul ne sait s'il reviendra ou s'il mourra en chemin. La première chose à faire est donc de confesser tous ses péchés et de se repentir. L'essentiel étant de demander à Dieu de pardonner au pénitent comme lui même pardonne à son prochain. Lorsque tu es redevable à ton prochain d'une chose quelconque, quelle qu'elle soit, tu dois la lui restituer aussi vite que tu peux, sans le tromper ni la garder contre sa volonté.

 

La seconde obligation d'un pèlerin raisonnable est de faire lui-même un testament concernant son corps et tous ses biens à commencer par son âme. Et qu'il s'arrange de manière à ce que ce soit fait lorsqu'il partira pour le long chemin, et qu'il mette en ordre sa vie de telle sorte qu'elle soit juste quand son compagnon, qui est la mort, voudra l'emmener

   

La troisième obligation d'un pieux voyageur est de prendre congé de toute sa maisonnée, en lui recommandant d'être parfaitement soumise aux ordres de son épouse. Il ne se laisse pas abattre par les pleurs, mais s'en va droit devant lui. Le pieux pèlerin chrétien qui a la volonté d'aller dans le pays du père, c'est-à-dire dans la béatitude éternelle, doit aussi donner congé à sa maisonnée, c'est-à-dire à sa sensualité, mais les pleurs de celle-ci ne doivent pas le détourner. La femme qui doit commander en son absence, c'est la raison.

Ces trois obligations qui résultent de la coupure avec le monde quotidien liée au thème du départ sont suivies de sept conseils portant sur les préparatifs du voyage proprement dit.

   

La quatrième obligation d'un voyageur est de faire confectionner un bon sac en cuir dans lequel il met tout ce dont il a besoin pendant son voyage et qui l'accompagne personnellement, ou bien s'ils sont en groupe, ils donnent le sac au plus fort et c'est lui qui doit le porter pour tout le monde. Dans ce sac ils ont un briquet de manière à allumer une bougie pendant la nuit où un feu pour se réchauffer. Et ils ont aussi une petite pharmacie pour le cas ou l'un tombe malade et à besoin de se fortifier pour continuer sa route. Il y met aussi une bouteille de vin, du pain et tout ce qu'il faut. Le contenu du sac représente la foi vivante, l'Église est la besace et le Christ le remède.

   

La cinquième obligation du pèlerin est de faire confectionner une paire de bonnes chaussures* et de ne pas les utiliser toutes neuves mais seulement après les avoir portées. Elles doivent être fermées sur le dessus afin qu'aucun immondice du chemin, à savoir les innovations de l'hérésie, n'y pénètre et que le pèlerin puisse marcher d'un pas ferme. C'est ainsi qu'il progressera sur le chemin de la vie éternelle.
* Une variante indique que le pèlerin doit se munir d'un couteau pour le voyage

 

La sixième obligation du pèlerin est d'acheter un chapeau bien large et tout rond, susceptible de le protéger qu'il pleuve ou non, et ce chapeau est l'image de la patience dont il faut faire preuve dans l'adversité pour demeurer dans le droit chemin.

   

La septième obligation est de faire un bon manteau qui le couvre entièrement et le protège. Conscient d'être comme un étranger en ce monde, le pèlerin doit marcher jusqu'à sa patrie éternelle vêtu de ce manteau qui est la charité chrétienne. Car personne ne peut entrer dans la béatitude éternelle sans ce manteau; qui signifie qu'il doit aimer Dieu plus que toute chose et le prochain comme lui-même.

   

La huitième obligation est de prendre de l'argent avec soi, car c'est une chose dont on a bien besoin. Arriver quelque part sans argent est le fait d'un homme de rien. Il faut donc mettre de l'argent dans sa besace et une autre partie dans son pourpoint, à l'endroit le plus caché. L'argent est le symbole des épreuves, des peines, des désagréments et des souffrances que Dieu a envoyées. Ce sont des moyens d'effacer le péché et il ne convient pas de s'en glorifier.

   

La neuvième obligation consiste à prendre un bâton pour s'appuyer dessus ou pour se relever. Ce bâton est l'image de l'espérance que l'on doit avoir en Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur. Le pèlerin doit avoir son bâton en main et ne pas se le laisser prendre, car l'espérance fait que les hommes marchent sur le chemin de Dieu sans se lasser. Le pèlerin ne doit pas placer son espérance dans les biens de ce monde, ni dans sa femme, ses enfants ou ses amis, car cela est fragile et ne sert point à son salut. Il doit placer son espérance seulement en Dieu, bâton qui ne se brise point.

   

La dixième obligation est de ne pas se surcharger inutilement d'habits, de boissons ou de vivres, car cela incite à chercher une charrette sur laquelle déposer ce fardeau qui l'encombre. C'est une souffrance pour le corps et l'âme que d'être attaché aux biens matériels. Il convient de les donner aux pauvres pour en être débarrassé et de marcher d'un pas léger à côté de la charrette vers le salut éternel.

   

La onzième obligation est de veiller soigneusement à avoir une bonne compagnie de gens avec lesquels on s'avance joyeusement petit à petit, et à avoir un compagnon qu'on a constamment auprès de soi sans le quitter jamais, comme firent les deux compagnons d'Emmaüs qui en avaient un troisième parmi eux et dirent : « notre cœur n'était-il pas fervent tandis qu'il parlait avec nous en chemin », et c'est pourquoi le chrétien doit avoir toujours Jésus-Christ avec lui.

Suivent des obligations qui tiennent à la composante sociale du chrétien dans le monde.

   

La douzième obligation d'un pieux pèlerin chrétien, c'est le trésor qu'il porte sur lui et ne montre à personne sinon il serait déraisonnable de porter de l'argent sur soi et de le montrer à tout le monde quand on entre dans une auberge, car il pourrait se trouver un des clients qui souhaiterait le dépouiller. Tu dois donc faire comme le pèlerin raisonnable qui ne montre à personne son trésor. Qu'est-ce que ce trésor ? Ce sont les bonnes œuvres qu'il ne faut montrer à personne pour en tirer des éloges, sinon elles sont perdues.

   

La treizième obligation d'un pèlerin raisonnable consiste, lorsqu'il vient dans une ville et que ses habitants se moquent de lui, c'est d'être indifférent, de poursuivre son chemin sans se laisser abattre, et si les autres rient de lui, il doit se joindre à eux pour rire de lui-même. Ne pas se préoccuper du qu'en dira-t-on, ne pas se conduire comme le cheval « ombrageux » qui a peur de son ombre. La mort est proche et il ne faut pas se laisser détourner du chemin qui mène au salut.

   

La quatorzième obligation d'un pèlerin est, lorsqu'il arrive dans une ville ou la traverse où il y a déjà des danses et des courses ou un mariage ou tout autres réjouissances avec des bains etc. de ne pas se laisser arrêter et de poursuivre néanmoins son chemin droit devant lui, s'il est raisonnable. Ainsi dois-tu faire si tu veux être un vrai pèlerin chrétien, tu ne dois pas t'inquiéter des joies du monde et dois penser : « Je veux économiser ma joie jusqu'à ce que j'arrive dans le pays de mon père et c'est là que je veux avoir mon plaisir et ma joie ». Ne serait-il pas un pèlerin déraisonnable celui qui, traversant une prairie où se trouvaient plein de fleurs, s'assiérait et cueillerait les roses et les fleurs, tandis que pendant ce temps un voleur viendrait lui dérober sa besace ?

   

La quinzième obligation du pèlerin est de ne pas se presser ou de ne pas aller trop loin le premier jour mais de commencer doucement, car quand on veut aller loin, il ne faut pas vouloir en faire trop dans les débuts. S'il exagère, il n'ira pas bien loin sur son chemin. Ainsi le chrétien ne doit-il pas se rendre malade par des pénitences et des macérations abusives.

   

La seizième obligation d'un pèlerin raisonnable est de ne pas se demander quand il va à l'auberge ou à l'hôtel quelles bonnes choses on va lui servir à manger et à boire et si on lui en sert, il doit penser qu'il aura à le payer, parce qu'on le mettra sur son addition. De même le chrétien doit-il être d'autant plus humble qu'il reçoit davantage et qu'il devra en rendre compte.

   

La dix-septième qualité d'un pèlerin raisonnable consiste, quoi qu'il lui arrive, et où que puisse être son corps, à penser toujours à chez lui, et que tout ce qu'il voie lui soit une raison d'y penser. Ainsi un pèlerin chrétien doit-il, quoi qu'il fasse, cherche ou voie, y trouver une raison de songer à sa patrie céleste et de ne pas faire comme les insensés à qui l'on donne une noix dont l'écorce verte est encore autour, qui mordent dedans et la rejettent parce qu'elle est amère, sans s'apercevoir qu'il y a dedans une partie mangeable, ou encore à qui l'on propose un crabe qu'ils ne peuvent manger tel quel, qu'ils refusent devenant par là la risée, comme font les sots qui craignent fort les crabes et n'en mangent pas. Il n'en va pas autrement lorsque Notre Seigneur envoie à quelqu'un des épreuves, il ne convient pas de les repousser et de protester contre Dieu mais de penser que celui-ci les envoie pour le salut de votre âme et que vous devez les supporter patiemment.

Biographie en allemand figurant sur le site de la bibliothèque.

Johannes Geiler von Kaysersberg (1445-1510) studierte zunächst an der Universität Freiburg, wo er Mitglied des Rates der Artistenfakultät wurde. 1471 setzte er sein Studium an der Universität Basel fort, wo er zum Dr. theol. promoviert wurde. Auf Bitten der Freiburger Bürgerschaft übernahm er 1476 einen theologischen Lehrstuhl an der dortigen Universität, deren Rektor er im selben Jahr wurde. Nach einem Jahr seiner Universitätslaufbahn wandte er sich jedoch der praktischen Seelsorge zu, zuerst in Würzburg, danach in Straßburg. Diese Tätigkeit, die lediglich durch eine Pilgerreise nach Südfrankreich im Jahr 1484 und eine mehrmonatige Predigertätigkeit in Augsburg 1488 unterbrochen wurde, übte er bis zu seinem Tod aus. Der Text der vorliegenden Ausgabe mit dem Titel "Der bilger mit seineneygenschaften" gehört zu dem in Augsburg gehaltenen Predigtzyklus und wurde von Geiler selbst veröffentlicht. Die in seinen Werken faßbare Theologie ist methodisch und inhaltlich scholastisch geprägt und dürfte wohl dem Nominalismus zuzuordnen sein, zu dem sich zugleich auch mystische Frömmigkeit gesellt. Geilers Popularität beruhte darauf, daß er in seinen Predigten vielfältige Themen sowie Autoren unterschiedlichster Richtungen und sogar weltliche Literatur verwendete, wie sein Zyklus über Sebastian Brants "Narrenschiff" zeigt. Geiler war zwar kein Humanist, übte jedoch Einfluß auf den oberrheinischen Humanistenkreis um Brant und Wimpfeling aus.


Traduction fançaise de L.M.

Jean Geiler de Kaysersberg (1445-1510) commença ses études à l'université de Fribourg où il devint membre de la faculté des Arts. En 1471 il poursuivit ses études à l'université de Bâle où il obtint un doctorat de théologie. A la demande de la municipalité de Fribourg, il prit en 1476 une chaire de théologie à l'université de cette ville dont il devint recteur la même année. Pourtant après un an de cette activité il se tourna vers le soin des âmes, d'abord à Würzburg puis à Strasbourg. il exerça cette activité jusqu'à sa mort, à l'exception d'uin pèlerinage dans le sud de la France en 1484 et d'une prédication de plusieurs mois à Augsburg. Le texte de son ouvrage "Le pèlerin et ses qualités" qu'il a publié lui-même, appartient à ses prédications d'Augsburg. La théologie qui ressort est méthododique et son contenu est imprégné de scholastique et pourrait être rangé dans le nominalisme tout en étant accompagnée d'une piété mystique. La popularité de Geiler repose sur le fait que ses sermons abordent de nombreux thèmes et auteurs de différentes directions de même que la littérature mondiale, colmme son cycle sur la "Nef des fous" de Sébastien Brant le montre. Geiler n'était cependant pas un humaniste mais exerça cependant son influence dans les cercles humanistes du Haut-Rhin, autour de Brant et Wimpfeling.

 

La propriété intellectuelle du contenu de ce site est protégée par un dépôt à la Société des Gens de Lettres

Page précédente haut de page Accueil

nous écrire