Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle
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Saint-Gilles (Gard) un grand lieu de pèlerinage médiéval

saint Jacques façade de l'abbatiale Saint-Gilles du Gard

Saint Jacques accueille les pèlerins de Saint-Gilles

L'ouverture d'un nouveau gîte d'étape à Saint-Gilles du Gard (1) pour les pèlerins de saint Gilles et ceux de saint Jacques, nous invite à donner un coup de projecteur sur cette cité "provençale" qui fut, au moins pendant le XIIe siècle, le sanctuaire de pèlerinage le plus fréquenté de la France romane, si ce n'est de l'Occident.
Il y avait là une abbaye bénédictine florissante qui possédait le corps de son fondateur, saint Gilles, un moine qui a vécu à une époque inconnue mais dont la Vie a fait un contemporain à la fois de saint Césaire d'Arles, au VIe siècle, et de Charlemagne, au IXe. Il n'y a pas lieu de crier à l'imposture. Nous avons montré ailleurs que si le récit peut nous sembler rempli d'invraisemblances, c'est parce que nous ne savons pas l'interpréter : le moine hagiographe écrivait comme parlait son Maître, en paraboles.
Aucun autre saint ne bénéficie d'un tel éloge dans toute la littérature épique : c'est le saint qui ne manque jamais d’entendre l’homme qui le prie de tout coeur. L'auteur du Guide du pèlerin,inclus dans le Codex Calixtinus, pourtant voué à saint Jacques, ne résiste pas à en faire un vibrant éloge :

Après les prophètes et les apôtres, nul parmi les bienheureux n'est plus digne que lui, plus revêtu de gloire... C'est lui qui avant tous les autres saints a coutume de venir le plus vite au secours des malheureux qui l'invoquent !

A Saint-Gilles, comme en témoignent les textes et des bulles pontificales, les pèlerins venaient en foules de toute l'Europe. Le couple royal polonais dont l'union demeure stérile, n'hésite pas à envoyer une ambassade à Saint-Gilles, avec en offrande un enfant en or, demander aux moines de prier à leur intention et Boleslas III naîtra bientôt.
La foule est si importante que 134 changeurs de monnaies sont nécessaires pour répondre à la demande. Et, en 1116, l'église se révélant trop petite, les moines entreprennent de construire un nouvel édifice, plus vaste, de 93 mètres de long à déambulatoire, au-dessus de l'église primitive qu'on appelle improprement crypte aujourd'hui. C'est là que reposait le corps du saint en sûreté, les pèlerins ne pouvant pas l'approcher.

Saint-Gilles est aussi un port de mer, sur le petit-Rhône. Ce port prospère jusqu'à la fondation d'Aigues-Mortes, en 1240. Ce fut longtemps le port le plus oriental du royaume, Marseille ne devenant français qu'au XVe siècle.
Là, des pèlerins et des croisés viennent s'embarquer pour Rome et Jérusalem. Et si Saint-Gilles a été une étape, c'est bien en direction de ces deux villes saintes. Par contre, on n'y a pas vu passer les pèlerins de Saint-Jacques : nous n'en avons relevé que deux parmi 170 pèlerins ou groupes de pèlerins qui ont visité le sanctuaire. Beaucoup viennent à Saint-Gilles, y font leurs dévotions et s'en retournent, comme le font, par exemple, le roi Robert le Pieux en 1030 ou l'archevêque de Rouen Eudes Rigaud en 1260. D'ailleurs, comme l'a constaté Gérard Jugnot, pour les pèlerins dont l'itinéraire est connu, aucun n'a visité ni Arles, ni Saint-Gilles, ni Saint-Guilhem-le-Désert mais tous joignent directement Avignon à Nîmes, Montpellier et Béziers. Et s'ils passent à Saint-Thibéry c'est moins par dévotion que parce qu'il y a là un des rares ponts qui enjambent l'Hérault.

Les pèlerins qui partent et qui arrivent au port de Saint-Gilles, ceux qui viennent là en pèlerinage, font connaître le saint à travers toute l'Europe : à ce jour, j'ai établi plus de 3200 fiches pour les différents lieux dans lesquels saint Gilles est connu à divers titres dans le monde, dont 1800 pour la France, mais, curieusement, ce saint du sud-est est surtout honoré dans le quart nord-ouest de notre pays. Autour de Paris, il est souvent associé à saint Leu, la fête des deux saints se célébrant le même jour, le 1er septembre.
En Angleterre plus de 250 églises l'ont pour patron ; 50 paroisses lui sont consacrées en Belgique. En Allemagne, où il est souvent associé au groupe des Quatorze Saints Auxiliateurs parmi lesquels il est le seul confesseur, il est vénéré dans plus de 400 églises et chapelles. On trouve des témoignages de son rayonnement jusqu'en Islande et jusqu'en Hongrie où se trouvait une puissante abbaye qui lui était consacrée.

La légende et les traditions font cheminer le saint lui-même sur les routes qui mènent à son tombeau. Saint Gilles arrive de Grèce par la mer, il vient à Orléans, il va à Rome et à Nuria en Catalogne espagnole, montrant ainsi aux pèlerins les routes qu'ils doivent suivre : les routes terrestres qui conduisent à son sanctuaires, les routes spirituelles dans lesquelles il a lui-même progressé jusqu'à Dieu.
D'autres routes ont existé, comme celle qu'empruntent les pèlerins que Rocamadour et Saint-Gilles s'échangent, par Conques et Saint-Guilhem-le-Désert. On ne saurait oublier celle qu'empruntent ces pèlerins du Poitou dont le Liber miraculorum rappelle l'aventure, par Aurillac et Saint-Guilhem. Celle-ci passe à Aubrac dont on connaît la célèbre dômerie placée sous le patronage de saint Gilles comme l'attestent divers documents d'origine ecclésiastique. Dans cette cathédrale de silence et d'espace, la cloche des égarés ne sonne pas que pour les jacquaires, mais pour tous ceux qui sillonnent l'immense plateau d'herbe en marchant vers tous ces sanctuaires dont le prieur d'Aubrac nous a laissé la liste : Rocamadour, Le Puy-en-Velay, Notre-Dame de Quézac, Saint-Antoine en Viennois, Saint-Sauveur d'Oviedo, Saint-Dominique d'Estrémadure, Saint-Jacques de Compostelle, et, ajoutait-il, vers une multitude d'autres saints ; par Aubrac passent aussi ceux qui veulent visiter le Saint Sépulcre de Notre-Seigneur Jésus-Christ ou qui vont au pèlerinage des saints apôtres Pierre et Paul. Toute la chrétienté est en marche : Dieu est partout, mais l'homme doit partir à sa recherche. Et si chanter c'est prier deux fois, marcher c'est prier mille fois, confessait récemment une jeune mexicaine venue marcher avec nous vers Saint-Gilles.

Il faut aujourd'hui raison garder. Certes, Saint-Jacques de Compostelle fut sans doute un grand sanctuaire, mais il en a existé bien d'autres qui risquent d'être occultés par la suprématie accordée à celui-ci.

Celui de Saint-Gilles l'avait même d'abord devancé mais il a connu, entre autres choses, la Croisade albigeoise, les guerres de religions, la Révolution française aussi, qui l'ont dévasté ou lui ont porté tort. Victime de l'intolérance religieuse, il a retrouvé vie en 1965, peu de temps après que le concile Vatican II nous ait appelés à l'oecuménisme. Depuis, sa fréquentation croît lentement.

Pourtant Saint-Gilles est facilement accessible, chacun pouvant choisir son lieu de départ en fonction du temps dont il dispose. Il n'est pas si loin qu'il ne soit possible au plus grand nombre de prendre le départ sur le seuil de leur maison, ce qui est la forme idéale du départ. Sur les Chemins de Saint-Gilles, il n'y a pas de problèmes de langue, ni d'habitudes alimentaires à adopter. Par ailleurs toutes les routes qui mènent à Saint-Gilles (j'en ai retrouvé sept que je peux proposer : écrire), traversent le Massif Central, une région extrêmement variée et riche. Une des routes peut même être parcourue toute l'année.

Enfin, au bout de la route, il y a le sanctuaire et le saint dont, à mon tour, je dois témoigner pour l'avoir expérimenté que nul ne l'invoque avec foi sans qu'il ne réponde aussitôt.

Marcel Girault
8 allée Apollinaire, 28200 Châteaudun.
2002

(1) - Gîte d'étape de Saint-Gilles (30800), 2 impasse du Cloître, à proximité de l'abbatiale. 8 places, participation financière 5 . Réservation obligatoire au moins la veille : 06 10 39 87 07 .

Pour en savoir plus : du même auteur plusieurs ouvrages qui sont disponibles en lui écrivant, :
* La Vie de saint Gilles (2e éd.1988),
* Les Chemins de Saint-Gilles (1990), un Guide à l'usage des pèlerins de Saint-Gilles, du Puy-en-Velay à Saint-Gilles du Gard (2e éd. 2002),
en collaboration avec son fils, Pierre-Gilles, Visages de Pèlerins au Moyen Age. Les pèlerinages européens dans l'art et l'épopée (Zodiaque, 2001).

Lire aussi : Raymond Oursel. "Le grand hôpital d'Aubrac", dans Annales de l'Ecole des Hautes Etudes de Gand. t. IX, 1978. [Une éblouissante description du chemin d'Aubrac à Saint-Gilles].

Un nouveau site pour la mise en valeur de la voie Régordane : http://www.regordane.info

L'Association des Chemins de saint Gilles organise des routes d'une vingtaine de pèlerins plusieurs fois dans l'année.
Pour se renseigner :

Association des Chemins de saint Gilles
3 rue Guiran, BP 1455, 30017 Nîmes Cedex
Internet : www.cheminstgilles.org
e-mail : asso@cheminstgilles.org

Informations France : Paul Balmelle - 10, rue Hoche 3000 Nîmes 04 66 26 84 57
Informations Belgique : Jos Gielis - 21, Boomkensstraat B3500 Hasselt 011 28 46 18

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