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mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil

Le chemin du Puy vers Saint-Jacques-de-Compostelle
analyse d'un nouveau guide :
Le chemin du Puy vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Du Velay aux Pyrénées,
Siréjol JP, Laborde-Balen L., Rando éditions et FFRP, Toulouse-Paris, 2004.

Un nouveau guide pour le chemin du Puy.
Nous avions envie de voir ce qui est proposé aujourd'hui aux pèlerins et aux marcheurs qui empruntent le plus connu des chemins de Compostelle créés depuis 1970. L'éditeur nous en a fait parvenir un exemplaire.
Nous le présentons avec nos spécialités et notre souci de la qualité des informations historiques et culturelles, laissant à d'autres le soin de l'analyser selon d'autres critères.

Nous nous intéresserons donc, pour l'essentiel, à la partie historique, rédigée par Louis Laborde-Balen, déjà rédacteur de la préface du guide Le chemin de Saint-Jacques en Espagne, de Rando éditions (4ème édition en 1999). Dans ce nouveau guide, pas de préface. Il ne s'agit plus de présenter l'historique Camino francès, mais le chemin du Puy qui n'ayant rien d'historique ne méritait pas qu'une préface lui soit consacrée. C'est un bon point à souligner. Contrairement à ce qu'affirme la quatrième de couverture, le chemin du Puy n’est pas «l’un des itinéraires majeurs du Moyen Age». Il n'est pas "aussi le GR 65 balisé de rouge et de blanc". Il est d'abord un chemin moderne de Grande Randonnée bâti à partir d'hypothèses des premiers chercheurs. Ceux qui l'ont tracé sont encore vivants. Pour une fois l'historien n'a pas à faire parler des textes mais des témoins directs.
Il fallait néanmoins des indications historiques pour les néophytes, les «quelques repères nécessaires», rédigés par Jean Chesneaux, s’ils arrivent tard (p. 214), ont le mérite d’être concis et de sortir parfois des discours habituels. Un bonheur de lire par exemple qu’il « n’y a pas de chemin historique ». Mais malheureusement, les propos novateurs sont contredits par ailleurs ... Alors ? Au pèlerin de forger son opinion ? Pourquoi pas ? Mais il faudrait avoir l'honnêteté de lui en fournir les moyens par une bibliographie complète.
Il est bon de rappeler que le Codex Calixtinus du XIIe siècle est « antérieur à l’imprimerie » : des pèlerins croient que leurs prédécesseurs effeuillaient le Guide du pèlerin comme eux les pages des guides de la FFRP. On précise, et c’est nouveau, que ce Guide n’a pas été connu, mais on oublie de dire que le Codex vient d’être traduit intégralement en français (censure oblige). Une précision, en 1882, le père Fita n’a pas édité le Codex, mais le dernier Livre de ce Codex, qui n’a porté le nom de Guide du pèlerin que par la grâce de Jeanne Vielliard en 1938.

Bref, la quatrième de couverture prétendant que ce livre « propose des articles d’histoire », nous recommandons la plus grande prudence à la lecture de toutes les notices historiques, dont certaines restent orientées par des vues périmées.

Des remarques, au fil de la lecture ...
p. 10 le coup de tampon peut être apposé par n’importe quel commerçant. Inutile de déranger les prêtres ou la gendarmerie qui ont autre chose à faire.
p. 11 affirmation : la compostela instaurée au XIVe siècle, « ce certificat officiel destiné à ceux qui ont accompli au moins 100 km à pied ou 200 à cheval ou à vélo ». A notre connaissance, rien n’autorise à dater ce certificat de pèlerinage. Mieux aurait fallu dater cette instauration des fameux kilomètres fatidiques.
« Chemin historique ? Non ! ». Voilà qui est nouveau et intéressant. Et plus loin « le GR est une œuvre de compromis ». Voilà qui va permettre aux malheureux naïfs d’oser s’aventurer hors des tracés sans craindre que leur pèlerinage ne soit pas valable.
Les méandres des pèlerins ?
« Il y a peu de temps encore, notre pèlerin aurait supporté la circulation et le goudron ». Pourquoi ne le supporte-t-il plus aujourd’hui ? Pourquoi ne pas dire que même sur ce fameux chemin bucolique, il y a 50 % de goudron ? « Le sentier GR serpente à loisir dans la campagne » : est-ce compatible avec une marche vers un but lointain ?
De sages conseils, nouveaux eux aussi : « par mauvais temps, quittez le sentier devenu trop isolé pour évoluer sur un bord de route ». Remarque : on marche sur un sentier et on « évolue » sur une route. Intéressant.
p. 13 « A vous d’inventer votre propre itinéraire » : nouveau aussi.
Moyennes calculées sur une base de 4 km heure : bon pour le chasseur alpin muni de bonnes lunettes pour trouver les balises, un jour de soleil.
p. 15 hélas, l'auteur parle de « folklore moyenâgeux » voila un mot qui trahit l'amateurisme. Qu’entend-il par là ? Les chemins de Compostelle en sont exempts, de ce folklore : « ici place aux adeptes de la simplicité, du sourire, de la recherche spirituelle et de la curiosité d’esprit ». Voilà campé le personnage, qui n’est pas encore défini autrement que « jacobipètes » (sans doute sur le modèle du « romipète » de la p. 83. Pèlerin ? Randonneur ? On ne sait, mais la ligne suivante le dévoile comme un « cheminant ». Les lignes suivantes sont plus osées : avec des guillements, on ose employer le mot pèlerin, immédiatement suivi de « itinérant ». Puis arrive l’inévitable « esprit du chemin », opposé à la « mise en marché des chemins vers Compostelle » laquelle n’est, bien sûr, pas le fait des vrais « hébergeurs » qui « offrent » une « ambiance ». Comment n’avoir pas pensé, sur ce chemin semé d’étoiles, à en attribuer 4 aux meilleurs, comme chez Michelin ??
Des variantes, des sentiers qui ne sont pas battus, des « anciens cheminants » à rencontrer.
Que va choisir le cheminant pas catholique ? p. 10 la « créanciale » catholique gratuite qu’il n’est « pas nécessaire d’être chrétien pour l’obtenir » ou p. 16 aller voir l’association interrégionale de Toulouse qui procède à la « vente de la crédencial » ou p. 19 demander aux associations qui « vendent la crédencial (prix et conditions variables) ?
p. 21 les « routes historiques » commenceraient-elles à passer de mode ? Les monuments classés par l’UNESCO sur « l’itinéraire entre le Puy et Saint-Jean-Pied-de-Port… ne tracent pas cette route dans sa continuité… A-t-elle jamais existé ? ». Et des rectificatifs de taille : on ne parle plus de millions de pèlerins en route vers Compostelle, on parle simplement « de pèlerins en route vers Compostelle, Rome, la Terre Sainte ou encore vers des sanctuaires de pèlerinage plus proches : Saint-Gilles, Conques, Rocamadour, le Puy, la Sainte-Baume ». Mais, il ne faut pas trop choquer le « cheminant » qui rêve encore de ses millions de pieux pèlerins : on reprend les phrases de l’UNESCO soulignant que Compostelle « fut la plus importante de toutes les destinations pour d’innombrables pèlerins ». A l’abri derrière une telle organisation, on ne craint rien. Et en route pour le patrimoine immatériel mentionné par l’UNESCO justifiant tant de choses bêtifiantes sur le chemin « danse, arts du spectacle, artisanat, coutumes, croyances ». Pas un mot sur l’Histoire, qui doit entrer dans une autre catégorie oubliée par l’UNESCO.
p. 25 et suivantes : « la forte identité jacquaire » du Puy date des années 1990. Curieux : pas un mot sur Godescalc. Pourquoi cacher que ce pèlerin très réel du Xe siècle ne fut retrouvé qu’en 1866 ? Chemin faisant voici les « donats et les donates successeurs des servants des Templiers ». Templiers dont aucune commanderie ne s’est jamais préoccupée de Compostelle, mais qu’on n’oublie pas de mentionner au Sauvage. Puis une croix avec un pèlerin qui ne peut être que de Compostelle « à moins que ce ne soit saint Jacques lui-même ». Puis Saugues « point de rencontre de pèlerins ». Dommage, une seule ligne pour saint Roch qui a supplanté saint Jacques comme patron de la fontaine. Belle occasion perdue de raconter un culte ancien à saint Jacques.
Hélas, on ne fait pas grâce de la fausse histoire véridique de la fondation d’Aubrac. Pourquoi ne pas accepter qu’il ne s’agit que d’une légende bâtie au Moyen Age et qui s’est perpétuée au long des siècles ? Pourquoi ne pas raconter le récit du passage en ce lieu d’un vrai pèlerin au XVIIe siècle, un italien qui a bien failli y périr un soir de novembre ?
p. 61 et suivantes : pourquoi ne pas mentionner la confrérie Saint-Jacques de Saint-Côme ? Au moins, le « cheminant » pourrait rêver à des pèlerins en chair et en os. Puis re-les Templiers. Puis Estaing et sa procession auxquels participent des pèlerins. Depuis quand ? Pas moins de six siècles dit le guide. A vérifier.
p. 90 Dans tout cela, tellement peu de saints Jacques que le « jacobipète » cheminant risque de se décourager : on lui en trouve un à Cajarc. Tant pis s’il s’agit d’un saint Roch pèlerin, tellement identifiable par son bubon sur la jambe et son chien. En ce même Cajarc, le pont fut construit, bien évidemment, pour les pèlerins !
p. 106 « Saint-Rémy (hors chemin) conserve l’hôpital fondé en 1286 pour les pèlerins de Compostelle ». Mais alors, pourquoi le pèlerin moderne n’y passe-t-il pas ? Sans doute parce que cet hôpital fut fondé, comme partout ailleurs, pour les pauvres passants, voyageurs et pèlerins de toutes destinations. (On retrouve de même, hors GR, l’itinéraire d’un pèlerin de 1699, p. 152)
p. 118 : voici la « cathédrale de Moissac » Moissac n’a jamais été siège d’un diocèse et ne peut avoir de cathédrale, il s’agit de l’église de l’abbaye. Le « jacobipète cheminant » n’a pas besoin de ce type de précision. Il n'est invité ni à voir le reliquaire du « doigt » de saint Jacques présenté au musée ni à s’arrêter devant le saint Jacques du cloître. Mais on lui conseille de regarder les fresques de l’église Saint-Martin, totalement fermée au public, où, peut-être, se devine un saint Jacques pèlerin sur des fresques à peine dégagées et loin d’être restaurées et visitables.
p. 135 un joli paragraphe sur la Romieu. Et de nouveau les Templiers et le souvenir d’un hôpital Saint-Jacques, balise indiscutable sur la route de Compostelle… Mais à Condom, il saura qu’au XVIIe siècle, « l’armagnac à remplacé le pèlerin dans l’économie de la ville ». Il y a sans doute une belle histoire hospitalière, mais qui n’est qu’évoquée.
p. 142 une demi-vérité : au pont d’Artigues, des possessions au XIIe siècle de l’évêque de Compostelle. Mais ce pont avait été construit pour tous les voyageurs, et l’évêque y percevait un droit de péage, comme partout.
p. 147 « hospice » est un mot employé seulement au XVIIIe siècle. Et à nouveau les Templiers à Manciet où, il est vrai, se rencontre l’ordre gascon de Saint-Jacques-de-la-Foi.
p. 159 et 180 on n’échappe pas aux poncifs : « deux signes du passage des sen-jacquets à Arzacq-Arraziguet : un vitrail de saint Jacques dans l’église et trois coquilles d’or dans les armoiries communales » ; « reçut jusqu’à cinq mille pèlerins » : quand ? en combien de temps ? pèlerins allant où ? D’où sort cette affirmation péremptoire ?

A propos des repères ...
Un plaisir :
à quelques exceptions près, saint Jacques orthographié ainsi quand il s’agit du saint et Saint-Jacques quand il s’agit du lieu.
Un étonnement, l’invitation au porteur du bourdon à s’en servir comme d’une « gaule pour le ramassage des fruits ». Depuis quand le jacobipète a-t-il le droit de voler autrui ? Le jacobipète, majoritairement citadin, a plus besoin d'apprendre le respect du travail des ruraux, même s'il rencontre çà et là des arbres fruitiers abandonnés
Pourquoi les articles sur le catharisme et l’hérésie ?
Pourquoi chercher à définir « chemin et itinéraire » ? Aucun dictionnaire ne définit le second comme « un témoignage décrivant le chemin parcouru ». Se tenir au langage courant et ne pas inventer de définitions personnelles sont un bon moyen pour tenter d'être compris par le plus grand nombre.
De quels ouvrages ou dictionnaires sont tirées les définitions telles que « lieux de pèlerinages chrétiens, magie et thaumaturgie, occitanie, reliques, etc, etc « ? Un seul universitaire cité comme historien, Jacques Chocheyras, lequel est littéraire et aurait certainement apprécié de figurer dans la bibliographie.

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