page établie le
Accueil mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente

Une spécialité de Compostelle, le jais (azabaches en espagnol)

 statue de saint Jacques en jais

Une spécialité de Compostelle, le jais ( azabaches en Espagnol). Dès le XIIe siècle, Compostelle était réputée pour le travail de ses orfèvres qui offraient aux pèlerins des objets-souvenirs réalisés en différentes matières, en particulier en jais, pierre semi-précieuse réputée bénéfique. La production a culminé aux XVe et XVIe siècles. Malgré une prétention au monopole, il a existé d’autres ateliers en Angleterre et à Sainte-Colombe en France, mais ils n’ont pas concurrencé l’habileté des galiciens, ni eu des débouchés commerciaux de la même importance. La production fortement diminuée entre le XVIe et XVIIIe siècles, disparut ensuite (en 1955, un visiteur "cherche en vain les traces des fameux tailleurs de jais ... on ne taille plus la magnifique pierre brune à reflets d'or des Asturies à l'ombre de la cathédrale ... seuls quelques gens du peuple portent des fragments de jais brut qui a le pouvoir de chasser les maléfices"). Elle connaît actuellement un nouvel essor. Les boutiques de luxe présentent à profusion des bijoux sortis de la main d’habiles artisans qui ont retrouvé les savoir-faire séculaires.

Le jais est une variété de lignite dure, noire, plane et se prêtant bien au polissage. Il provient du bois de conifères qui se sont très progressivement fossilisés en charbon. Les Anciens l'ont appelé lapis Gatates car ils savaient que les premiers morceaux ont été ramassés à l'embouchure de la rivière Gaïas (ou Gagas) en Asie Mineure, provenant de troncs d’arbres apportés avec l’eau. De cette appellation découlent les mots de différentes langues : en anglais jet, en ancien français gaïet ou jayet qui a donné jais, en arabe az abache et en espagnol azabache. On a retrouvé des perles de jais à une époque datable du Magdalénien : entre -17 000 et -10 000. Les gisements sont apparus bien avant l'homme, peut-être depuis 65 000 000 d'années.
En Espagne on trouve du jais surtout en Léon, en Aragon, un peu en Galice. La meilleure qualité provient des Asturies, de mines proches d’Oviedo. Au XVe siècle un voyageur arrivant à Oviedo raconte : « En ce povre païs croist le gaïet dont on fait les patenostres » (les chapelets). Un autre dit un peu plus tard que la ville de Leon « tire grand argent d’une mine de gayet près de laquelle on fabrique les chapelets et les effigies de saint Jacques qui sont vendus à Compostelle ».
Depuis l’Antiquité, on appelle aussi le jais «ambre noire», à cause de ses propriétés magiques analogues à celles de l’ambre : il protège les yeux, fait fuir les serpents, dénonce la présence des démons et permet de prouver la virginité des jouvencelles. Paradoxalement, il brûle avec de l'eau et s'éteint avec de l'huile. En France au XIXe siècle, les bijoux de jais étaient les seuls que l’on pouvait porter lorsqu’on était en deuil d’un proche.
A Compostelle, les tailleurs de jais se sont différenciés peu à peu des autres fabricants de souvenirs que l’on trouve groupés dès la fin du XIIe siècle. En 1443, ils forment un groupement de métier totalement indépendant, avec des dynasties familiales très fermées. Ils ont alors le monopole de la fabrication et de la vente de leurs produits dont ils garantissent la grande qualité. Ateliers et magasins sont groupés aux alentours de la cathédrale mais ce n’est qu’au XVIIIe siècle qu’ils se cantonnent « place des azabacheria », devant l’ancienne porte du Paradis.
Aujourd’hui comme hier on fabrique en majorité des petites pièces qui sont moins coûteuses. Les formes restent traditionnelles : coquilles, statuettes de saint Jacques, pendentifs, bénitiers, rosaires et chapelets. Les prix sont fonction de la difficulté que présente la taille de ce matériau fragile et cassant. Les musées conservent des copies de coquilles que l'on fixait sur des vraies, des figurines de saint Jacques, des ampoules de pèlerinage, des cœurs, des mains ouvertes. Actuellement les boutiques offrent des modèles moins nombreux qui reprennent cependant les modèles anciens. Le jais reste un produit coûteux qui a gardé toute sa qualité et, qui sait, toutes ses propriétés magiques…

 Denise Péricard-Méa

La propriété intellectuelle du contenu de ce site est protégée par un dépôt à la Société des Gens de Lettres

Page précédente haut de page Accueil

nous écrire