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mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil

Robert Sutton pèlerin de Compostelle en 1423 ?
Extrait de la communication présentée par Katherine LACK à Saint Lô le 24 janvier 2004
" Surprises pour des pèlerins anglais en Normandie au début du XVe siècle"
(traduction provisoire)

Le colloque organisé à Saint-Lô a donné l'occasion à un chercheur britannique de présenter l'étude d'une tombe retrouvée à Worcester qui pourrait bien être celle d'un pèlerin du XVe.

II y a cinq cent cinquante ans, un anglais fortuné décédait dans sa ville de Worcester. Il y a dix-sept ans, dans cette ville de Worcester, une sépulture médiévale fut découverte accidentellement. C'est mon intention dans ce mémoire de décrire cette sépulture et d'expliquer pourquoi je pense que les deux hommes sont une seule et même personne. - un homme qui est allé en pèlerinage à Compostelle. ...
Le pèlerin de Worcester, comme il a été nommé, a été découvert pendant des travaux dans la nef de la cathédrale de Worcester. La tête et le cou manquait, donc on ne connaît rien de l'existence d'un chapeau ou de médailles qui auraient pu être là. Mais le reste du squelette était en bon état, et les objets enterrés avec lui étaient exceptionnellement bien préservés. Il avait à peu près soixante ans, grand, robuste, bien qu'il souffrît d'arthrite à la fin de sa vie. Habillé de laine avec des vêtements en laine naturelle arrivant aux genoux et des bottes de cuir. Dans sa main droite, il y avait un bâton en frêne de trois centimètres de diamètre, avec une double pointe en fer. A côté, il y avait une coquille Saint-Jacques, percée pour être cousue ou être attachée dans le tissu. Dans la tombe, il y avait aussi des bouts de lacets en bronze près de la coquille et des fragments de laurier et de saule, ce dernier ayant été apparemment cueilli pendant l'hiver ou au début du printemps.
La localisation de la tombe indique qu'elle devrait être postérieure à 1374 et le genre de vêtement suggère les années postérieures à 1400. La Réforme ayant interdit les pèlerinages, la tombe ne peut être postérieure à 1540.
Un caractère curieux de cette tombe était que le bâton avait été peint en violet, probablement en préparation des funérailles, avec un pigment fait d'un mélange de noir de fumée, et d'un rouge coûteux appelé "Kermès". Il n'y a aucun précédent connu pour l'utilisation de ce pigment de cette façon et pour cet usage. Il est fait du corps des insectes femelles de la gale du chêne et importé pendant le Moyen Age de Séville et de Bosnie, coûtant vingt ou trente fois plus que les teintures rouges ordinaires. "Kermès" était utilisé presque exclusivement pour teindre les soies de haute qualité et très occasionnellement par des peintres qui extrayaient la couleur de petites chutes de la soie teinte. Les seules familles de Worcester qui auraient eu la possibilité d'avoir du Kermès étaient les teinturiers ou aussi, probablement, un peintre de haut rang.
Est-il possible d'identifier le pèlerin de Worcester, de lui redonner la dignité d'un nom ?
Au XVe et au début du XVIe siècle, la population de la ville tournait aux environs de deux mille habitants. La tâche paraît impossible, mais plusieurs choses donnent de l'espoir : nous savons que c'était un homme et quelqu'un d'assez riche pour s'offrir une sépulture dans la cathédrale. Cela veut dire qu'il était probablement de l'élite gouvernante, un groupe d'environ cinquante hommes, dont l'appartenance était hautement contrôlée mais non fixée en nombre. Il était aussi plutôt âgé quand il est mort ; soixante ans n'était pas un âge très avancé, mais beaucoup d'hommes mouraient plus jeunes. Il aurait pu être teinturier.
Worcester était une ville importante dans le commerce de la laine à cette période. Mais c'était un métier spécialisé. Il y a aussi des cordiers, des tisserands, des foulons, des fabricants de braies, des tailleurs, des drapiers, des merciers, ainsi que deux ou trois teinturiers qui travaillaient dans la ville à cette époque. Finalement, l'homme que nous recherchons devait avoir des liens étroits avec le pèlerinage s'il a été inhumé de cette façon.
Un homme et un seul émerge des archives de Worcester comme le principal candidat. Son nom est Robert Sutton, et il a fait son testament en octobre 1454, en demandant à être enterré au pied de saint Jacques et en donnant de l'argent à la confrérie Saint Jacques de la cité de Worcester. Il était teinturier. Il fut bailli de la cité en 1433 et il était assez important pour être nommé dans un acte notarial qui datait de 1543, presqu'un siècle après sa mort, concernant une propriété citadine définie comme «s'étendant de la rue devant le jardin ayant appartenu à Robert Sutton, teinturier». Sutton vécut longtemps. Il apparaît pour la première fois dans les archives de la ville en 1421. Il devait avoir déjà au moins vingt-et-un ans. Ceci veut dire qu'il avait au moins cinquante-quatre ans quand il est mort. De plus, il fut enterré sans aucun doute dans la cathédrale puisque sa femme plus tard exprima la volonté d'être inhumée à ses côtés.
Comme autres raisons positives pour que Robert Sutton ait pu être enterré comme le pèlerin de Worcester, il y a d'abord deux mentions de saint Jacques dans son testament. Son testament est le seul testament de Worcester qui mentionne de telles clauses. Il fit aussi dans son testament une donation généreuse pour la construction de la voûte du nouveau clocher de son église paroissiale. Le plafond du milieu XVe siècle existe toujours et il contient une série de très belles clés de voûte sculptées, douze d'entre elles représentant les apôtres. Saint Jacques est représenté en pèlerin, comme on s'y attend. Mais derrière sa tête, il y a quelque chose d'assez inhabituel. Au lieu d'un halo ou une simple ornementation comme les autres apôtres, Jacques est représenté avec ce qui ressemblerait à une coquille Saint-Jacques, symbole de Compostelle. C'est extrêmement rare ; le seul autre endroit où j'ai vu l'iconographie de la coquille utilisée de cette façon est sur les médailles de pèlerins (comme celle du XVe siècle retrouvée dans la Tamise). Il y a aussi dans la série, une clé de voûte représentant probablement Robert Sutton et sa femme Johanne. Mais bien quelle soit représentée en dame du XVe siècle, conventionnelle, lui est de nouveau inhabituel. Sur son dos, il a un chapeau à large bord, du type porté par les pèlerins et sur les épaules, il aurait une cape courte comme celle portée par les voyageurs. Quelle indication plus claire pourrait-il y avoir que l'homme qui a commandité ces clefs de voûte voulait qu'on se souvienne de lui comme pèlerin ?
Les informations livrées par le squelette indiquent que l'homme, dans sa jeunesse, était habitué à faire de longs trajets à pied, utilisant peut-être un bâton de marche, et que plus tard dans sa vie, il était partiellement invalide et finalement immobilisé chez lui. Plusieurs pèlerinages à grande distance, incluant celui de Santiago, sont de ce fait tout à fait possibles dans la décennie avant qu'il ne devienne bailli.

L'examen de la biographie de Robert Sutton fait apparaître une période d'une dizaine d'années 1423-1433 pendant lesquelles il n'y a pas de mentions de lui dans aucun acte de la ville de Sutton alors qu'il y en a avant et après. Or les deux années 1423 et 1428 furent des années saintes à Compostelle.

En conjecturant que l'homme inhumé comme le pèlerin de Worcester était bien Robert Sutton, je suggérerai à partir de ce qui est connu de sa vie qu'il aurait sans aucun doute accompli son voyage à Compostelle en 1423.

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