Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle
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 SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE ET LE PUY

L'article suivant a été écrit par M. l’abbé Chanal pour la revue « Compostela », bulletin de l’Archiconfrérie de Saint-Jacques-de-Compostelle, où il a paru, traduit en espagnol. Sa traduction en français a été publiée dans la Semaine religieuse du diocèse du Puy le 16 novembre 1951. C'était l'année du millénaire du voyage de l'évêque Godescalc. Cet article donne une quantité d'informations mais sans citer une seule source. Sur quoi l'abbé Chanal reposait-il ses affirmations ? Il n'a pas laissé d'archives et rien dans les recherches des historiens ne permet de confirmer ses affirmations. Il nous a néanmoins paru intéressant de le publier malgré ce manque de rigueur car ce qu'il écrit est toujours raconté au Puy avec la même absence de preuves, sauf en ce qui concerne Godescalc. Cet article a toutefois l'intérêt de souligner que le sanctuaire de la Vierge du Puy était très fréquenté par les Espagnols qui "emportaient chez eux des statues de Notre-Dame du Puy. Il explique ainsi et non par les pèlerins qui allaient à Compostelle, comme on le voit écrit parfois, les cultes à Notre-Dame du Puy que l'on trouve sous des noms divers en Espagne.

Il est, au cœur de la France centrale, une petite vi|l|e que deux Américains célèbres, les frères Pennel, ont qualifiée, avec quelque exagération peut-être, de « site le plus pittoresque du monde ».
Il est certain que Le Puy impressionne fortement celui qui le contemple pour la première fois. Son rocher Corneille surmonté d'une statue colossale de Notre-Dame de France, sa cathédrale aérienne s'étirant au-dessus d'un porche béant, son église dédiée à saint Michel perchée comme un nid d'aigle sur un rocher pointu, son aspect resté moyenâgeux en font un des lieux où le tourisme aime à drainer ses foules. « Le Puy : ville sainte et ville d'art », annoncent un peu partout affiches et pancartes.
Et voici qu'à l'occasion du millénaire du pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, l'attention du monde chrétien vient d'être une fois de plus attirée sur Le Puy-Sainte-Marie, comme on le nommait jadis, On a dit et imprimé que Godescalk, évêque du Puy, fut le premier pèlerin français à s'acheminer vers Santiago de Compostelle. Qu'était donc cet évêque épris de grands voyages ? On a oublié de le dire, Godescalk était d'origine espagnole. Il était arrivé en Velay par cette route du Midi qui de tous temps a mis les Espagnols en contact avec nos ancêtres et avait voulu faire profession dans le plus vieux monastère de notre contrée, celui du Monastier, fondé en 680 par des moines venus de Lérins. Le Monastier a toujours joui d'un grand renom, tout d'abord parce qu il fut pillé au VIII" siècle, lors de l'invasion sarrasine. Son abbé saint Théofrède devait d'ailleurs mourir des coups reçus de la part de ces mécréants. Le Monastier a fondé de nombreuses paroisses, placées pour la plupart sous le patronage de saint Pierre, il devait aussi avoir par la suite une pléiade d'abbés aussi illustres par les vertus que par la naissance. Bref, c'est dans ce monastère perdu dans la montagne que Godescalk avait émis la profession religieuse, là aussi qu'il avait dû se signaler par ses éminentes qualités, puisque, à la mort d'Hector, évêque du Puy, les chanoines de cette église l'élurent pour prendre sa place.
Dès lors, est-il étonnant que le nouvel évêque ait songé à revoir son pays d'origine et qu'il ait voulu saluer une fois encore le grand patron de l'Espagne, saint Jacques le Majeur ? Notre chroniqueur Odo de Gissey, rapportant les propres termes d'un contemporain de Godescalk, un prêtre de Pampelune nommé Gomezan, nous dit que l'évoque Godescalk « sorty par dévotion du païs d'Aquitaine, accompagné d'un grand nombre de personnes, s'acheminoit en Galice avec diligence afin, d'implorer l'aide de Dieu par les suffrages de saint Jacques Apostre. »
Le mouvement est donné, il va continuer durant des siècles à tel point que Le Puy deviendra un des principaux points de départ pour le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les pèlerins s'assemblaient devant une des plus vieilles églises du Puy; celle de Saint-Pierre-Le-Monastier, ainsi nommée parce quelle était desservie par des religieux venus de ce monastère. C'était là que l’on prenait le départ. On continuait par la rue Saint-Jacques, qui porte encore ce nom, puis par le faubourg des Capucins où « la Croix de l'Arbre Saint-Jacques » est toujours debout. Le cadre restreint d'un simple article ne nous permet pas d'entrer dans de plus amples détails Rappelons seulement que les pèlerins partis du Puy passaient par les abbayes d'Aubrac, de Conques et de Moissac. Ces abbayes dépendaient de Cluny. Ne perdons pas de vue que ce sont les grands abbés de Cluny qui ont organisé, dès le XIème siècle, le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle et en ont réglé les principales étapes, de manière à faire passer le pieux voyageur par des prieurés dépendant de leur obédience. Dans ces asiles de la prière et de la charité le pèlerin sera encouragé, guidé et soigné, s'il en est besoin.
De Moissac, les pèlerins partis du Puy s'acheminaient vers Lectoure et Condom, puis par Eauze et Aire aboutissaient à Ostabat, au pied des Pyrénées. C'est là aussi que venaient aboutir les pèlerins partis de Vézelay et de Saint-Martin-de-Tours. Quelle affluence ! Nous avons de la peine à nous en faire une idée. On descendait ensuite vers la Navarre, puis c'était le long chapelet des villes espagnoles brûlées de soleil et riches en souvenirs : Puente, Estelia dont le nom signifie étoile, Burgos, Fromista, Carrion, Sahagun, Léon, Astorga. C'est à Monte San Marcos que dans le lointain on apercevait pour la première fois les clochers de Saint-Jacques-de-Compostelle. Harassé mais content, le pèlerin du Puy pouvait enfin embrasser la statue de l'Apôtre, et lui confier les intentions que parents, amis et connaissances lui avaient recommandées. Tous ces cierges qui grésillaient devant le tombeau du grand saint de l’Espagne, la forte odeur d'encens qui montait de toute part, la piété enthousiaste et communicative de tous ces gens prosternés laissaient au pèlerin parti du Velay ou d'ailleurs un souvenir inoubliable. Et puis quelle fierté de pouvoir bientôt montrer aux siens la célèbre coquille accrochés à ses habits et de dire : J'ai été à Saint-Jacques-de-Compostelle» !
Le Puy a gardé très longtemps une confrérie de Saint-Jacques. C'est ainsi que notre chroniqueur vellave Jean Burel nous apprend qu'en 1591 il s'est rendu en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle.
La dévotion à ce grand saint n'était pas la seule à créer un lien de plus avec nos voisins de l'autre côté des Pyrénées, car si les Français allaient en Espagne, les Espagnols, de leur côté, accouraient en France. Le Puy les attirait par son célèbre pèlerinage à celle qu'ils désignaient sous 1e nom de Nuestra Senora de Francîa. A leur départ, ils emportaient chez eux des statues de Notre-Dame du Puy. Ne nous étonnons donc pas de trouver très souvent en Espagne le culte de la Sainte Vierge sous le titre de Notre-Dame du Puy. Selon les régions on l'appelle Puey, Puayo, Puig ou Puche. Ces Vierges sont très nombreuses. Dans le seul diocèse de Huesca on en a compté plus de quarante. Les plus anciennes remontent au IXe siècle et les plus récentes au XIIIe.
Faut-il ajouter que dans cet antique sanctuaire da la cathédrale du Puy où, au cours des âges, sont venus s'agenouiller six papes, treize rois de France, un grand nombre de saints et des multitudes de pèlerins, les fils de la noble Espagne aient eu à cœur d'offrir eux aussi leurs hommages à la reine du Ciel.? Les rois d'Aragon et de Castille sont venus s'incliner devant elle et lui ont fait de riches présents. Ajoutons enfin que deux des plus illustres fils de la catholique Espagne, saint Dominique et saint Vincent Ferrier ont prié avec leur ferveur coutumière entre les murs de notre vieille cathédrale qui semble garder encore le parfum et l'ardeur de leurs supplications.
Le millénaire du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle nous offre ainsi la joie de rappeler quelques-uns des liens qui nous rattachent à nos voisins et amis d'Espagne.

André CHANAL.


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