Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle
page établie en décembre 2006
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  L'empire contre-attaque : mythe ou arnaque à Compostelle ?

L'article du Correo Gallego présentant le livre de Mme Ofelia Rey Castelao n'a pas manqué d'attirer une réponse d'un chanoine de la cathédrale qui évidemment conteste la thèse du mythe de Compostelle. Nous présentons ci-dessous l'article paru dans ce quotidien le 3 décembre 2006.
Il est clair que l'Eglise de Compostelle se devait de réagir à cette thèse comme elle l'a fait tout au long de son histoire chaque fois que sa légende était contestée. Cette réponse montre une fois de plus que l'Eglise a du mal à sortir de l'époque où sa puissance temporelle lui permettait d'imposer sa vérité. Nous pensons à la Fondation que la croyance en la présence des restes de saint Jacques à Compostelle, quand bien même elle aurait pu être collective à l'époque médiévale, n'est pas un article de foi pour l'homme d'aujourd'hui. Cela n'enlève rien à la valeur des pèlerinages et des cultes rendus à l'apôtre, à Compostelle et dans de nombreux autres sanctuaires. Les recherches que nous avons pu faire sur "la mémoire des communautés chrétiennes" qu'invoque l'article montrent que si cette mémoire a été maintenue vivante à Compostelle, il n'en a pas été de même ailleurs. Certes saint Jacques était connu et vénéré. Mais la mémoire du pèlerinage à Compostelle a été en grande partie construite par les érudits des XIXe et XXe siècles qui ont travaillé à l'embellir sans le moindre souci historique. Il est amusant de retrouver sous cette plume écclésiastique la référence au positivisme universitaire opposé en France aux travaux de la Fondation.


Voir la présentation du livre objet de ce commentaire : Les mythes de l'apôtre saint Jacques

 

J’ai pu finalement lire le livre objet de tant de commentaires la semaine dernière. Après la lecture, j’ai envie de dire à l’auteure qu’elle aurait dû choisir un autre titre plus en accord avec le contenu. Je lui suggérerais « L’arnaque de l’apôtre Santiago » [1], ou quelque chose de semblable. Dans le langage universitaire, mythe veut dire autre chose. Notre éminent Vicente Risco, se risque à dire que le mythe serait la plus haute expression de la vérité. Le livre que j’ai lu, prétend que l’Eglise Particulière de Compostelle et d’Iria, son ancêtre, trompent et abusent le monde entier depuis au moins 1200 ans.
L’auteure arrive à ce résultat après avoir étudié l’histoire de Compostelle selon un principe méthodologique basé sur l’affirmation suivante : « Quand on écrit sur ce thème, le problème principal est la confusion entre la réalité historique et la croyance religieuse ; l‘effet pervers est qu’on utilise la première avec l’intention de détruire la seconde ». Je ne peux pas m’expliquer comment on peut décrire de telle manière une époque où la réalité sociale et la croyance religieuse se confondaient et où la religion était le summum de la culture, de la légalité, des valeurs, des normes et des sanctions qui guidaient le comportement social. Ceci est la réalité de notre histoire passée qui se prolonge pratiquement jusqu’à nos jours. Etudier l’histoire en séparant le religieux du profane et la réalité sociale des croyances collectives donne inévitablement une histoire mutilée et trompeuse. Que dire quand on emploie cette méthode avec l’Histoire de l’Eglise ?
L’auteure prend ses précautions quand, pour éviter l’effet pervers qu’elle a énoncé, elle nous affirme qu’elle ne prétend pas détruire et que l’authenticité du tombeau de l’Apôtre et l’origine jacquaire de la foi espagnole n’ont aucune valeur intrinsèque. Selon cette affirmation, que l’Eglise de Compostelle triche depuis plus de 1200 ans n’a aucune importance. Ce n’est pas la première fois que je lis ce type de raisonnement, apparemment il est enseigné dans certaines chaires de notre Université. Pour moi ceci n’est pas négligeable et surtout il s’agit d’une véritable calomnie. Dans ces conditions quelle crédibilité pourrait avoir l’institution ? Nous voilà devant l’arrière-pensée des enquêtes actuelles. L’on essaye d’intoxiquer les jeunes.
Je ne vais pas réfuter le livre. Ce n’est pas nécessaire. Il se disqualifie lui-même dans une critique absolument négative de l’Eglise de Compostelle sans aucun aspect positif. Sans besoin de connaître l’histoire compostellane, ce qui n’est pas mon cas, ce simple fait serait suffisant pour que n’importe quelle personne moyennement prudente désavoue l’œuvre. Beaucoup l’ont déjà fait. Les études critiques rencontrent toujours du positif et du négatif, des zones d’ombre et des zones de lumière, comme dans la vie de tous les jours. C’est pareil dans la vie de l’Eglise.
Affirmer, comme le livre le fait avec une assurance qui fait peur, que l’apôtre saint Jacques n’a rien eu à voir avec l’Espagne, et encore moins avec la Galice, est une énormité qu’on ne peut pas soutenir. La question reste ouverte et on peut en discuter. Les arguments contre la mémoire traditionnelle n’ont rien prouvé et, malgré les efforts de Duchesne, les témoignages en faveur de la tradition tiennent toujours. S’ils ne sont pas suffisants pour une démonstration historique indiscutable, ils ne permettent pas non plus de la nier. On serait face à un événement historiquement probable qui demande à être étudié mais qu’on n’étudie pas.
Est-ce que ce sont bien les restes de l’apôtre saint Jacques qu’on vénère dans notre cathédrale ? Aujourd’hui on peut pratiquement assurer qu’il n’y a pas de doute raisonnable. Nous avons une telle quantité d’indices, beaucoup dévoilés au XXe siècle, qu’on peut reconstituer les parties essentielles du puzzle. Les parties manquantes, qu’on peut facilement substituer, ne sont que du détail et du remplissage.
Monseigneur Guerra Campos, qui a été sans doute le plus grand spécialiste de la question jacquaire de la seconde moitié du XXe siècle, a déclaré dans une conférence donnée le 22 février 1994 à l’Institut Théologique de Compostelle : « Il y a des thèses en physique ou en biologie qu’on a considéré scientifiques et qui ont obtenu le prix Nobel avec moins d’indices (que la tradition jacquaire). La convergence des indices est un argument supérieur et définitif ». J’ai eu l’honneur de transcrire, préfacer, annoter et éditer cette conférence qu’on peut considérer comme le testament jacquaire de son auteur. Voilà un bon outil très accessible pour tous ceux qui s’intéressent à la question. L’on peut toujours douter si le doute est raisonnable mais on ne peut pas admettre la négation totale basée sur des omissions et des faussetés.
La translation des reliques vers le lieu qui aujourd’hui est Compostelle, suppose la présence antérieure en Galice de l’Apôtre encore en vie. Sinon on ne pourrait pas expliquer pourquoi ses disciples ont transporté de si loin jusqu’à ici le corps martyrisé d’un proscrit pour lui donner une digne sépulture.
La mémoire de toutes les communautés, surtout si elles sont chrétiennes, est un critère d’historicité et son contenu doit être soumis à une critique docte et objective. Nous savons que cette mémoire historique a été chargée de symboles et de légendes mais il est possible de séparer le bon grain de l’ivraie et de découvrir le véritable fond qu’elle transmet. Il est évident que ceci est irréalisable avec des méthodes inspirées du positivisme et de son enfant naturel le matérialisme. Malheureusement, de nombreuses méthodes encensées aujourd’hui dans les universités sont de ce type.
Les sciences humaines ne pourront jamais faire abstraction de la dimension transcendantale de l’Homme et si elles le font, elles seront condamnées à l’échec.

«»
[1] N. du T. : Jeu de mots : « El timo del Apóstol Santiago », mito=mythe, timo=arnaque

Article de Juan José Cebrián Franco dans « El Correo Gallego » du 03.12.2006
traduit par Carlos Montenegro

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