Accueil mise à jour le 10 septembre, 2005 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente

Le Dit des trois pommes

présentation proposée par Marie- Noëlle TOURY

]ehan de Saint-Quentin a composé, au début du XIVème siècle, 22 "dits" en quatrains d'alexandrins monorimes, tous narratifs, d'inspiration religieuse et destinés à l'édification des auditeurs ou lecteurs. Le terme de "dit", qui apparaît au Xlllème siècle (en particulier chez Rutebeuf), recouvre des réalités très disparates (1) qui ont cependant en commun une caractéristique évidente : ils sont, comme l'indique leur nom, racontés et non plus chantés, selon le mode de transmission en honneur au Xllème siècle. Ceux de ]ehan de Saint-Quentin se caractérisent par la présence d'un merveilleux chrétien, sous forme de voix céleste ou de miracles qui manifestent l'intervention de Dieu, de la Vierge, des anges ou des saints.
Deux de ces "dits" ont pour point de départ un pèlerinage à Saint-]acques-de-Compostelle; ce sont le Dit des Annelés et le Dit des Trois Pommes mais dans ce dernier seulement un miracle (la résurrection d'un enfant) a lieu dans le sanctuaire même, devant la statue du saint et se présente comme l'oeuvre conjointe de Dieu et de saint ]acques (2).

Le sujet du Dit des Trois Pommes est l'amitié indéfectible qui unit d'abord un enfant et un homme puis, l'enfant ayant grandi, deux hommes, au point qu'ils sont l'un et l'autre capables d'accomplir des actions hors du commun pour respecter le pacte qui les lie.
Le texte juxtapose deux parties très différentes, unifiées par le thème de l'amitié.

Dans la première partie apparaît un motif folklorique attesté dans divers pays : trois pommes servent à éprouver la capacité d'un homme à être un véritable ami et celui-ci donne ensuite la preuve de sa fidélité en rendant possible la résurrection de l'enfant qui s'est fié à lui. Dans la seconde, l'enfant devenu homme sauve à son tour son ami atteint par la lèpre en le lavant dans le sang de ses propres enfants, ressuscités aussitôt après par la grâce de Dieu. Cette deuxième partie est très proche de la fin de la chanson de geste d'Ami et Amile (3) et en dérive probablement ; outre le thème du sang salvateur, on y rencontre aussi le motif folklorique très répandu des deux hanaps exactement semblables qui permettent aux amis de se reconnaître.

La combinaison de ces deux miracles se retrouve dans la littérature allemande (Die Jakobsbrüder de Kunz Kistener, au milieu du XIVème siècle) et italienne (sous la forme d'un drame religieux, Un Miraculo di due pellegrini, publié au XVème siècle et de deux contes populaires datant des XVIème et XVIlème siècles) (4). La légende a même continué à vivre en Italie, tout en s'enjolivant et en se déformant sensiblement, jusqu'à une époque récente, manifestant l'impact très fort produit sur les mentalités par l'image d'une amitié incomparable.

Les personnes souhaitant la traduction sont priées d'en faire la demande par courriel

(envoi d'un tirage au reçu d'un carnet de timbres, Fondation David Parou Saint-Jacques 36 avenue Henri Ginoux 92120 Montrouge)

Notes

1 - Voir dans le n° 1 de CAMPUS STELLAE quelques précisions sur le genre du "dit" et sur les manuscrits et les éditions des "dits" de Jehan de Saint-Quentin, p. 113.
2 - Ce miracle n'est pas de ceux que rapporte le deuxième livre du Liber Sancti Jacobi , mais il paraît avoir été composé à partir d'éléments empruntés aux miracles 3, 4 et 5 de ce recueil. Du miracle 3 viendrait le motif de l'enfant en pèlerinage, sa mort et sa résurrection grâce à saint Jacques. A vrai dire cela ne se passe pas à Compostelle, mais l'enfant, une fois ressuscité, peut achever son pèlerinage. Le miracle 4 apporte le thème du mort en pèlerinage convoyé par un ami fidèle. Saint Jacques apparaît pour transporter le mort sur son cheval jusqu'au cimetière choisi. Enfin le miracle 5, celui du pendu dépendu, fournit le thème des mauv ais aubergistes et du juge. Outre ces éléments narratifs, les miracles du Liber Sancti Jacobi ont vraisemblablement contribué à la thématique spirituelle du récit en présentant Saint Jacques comme capable de ressusciter un mort, en soulignant la fidélité indéfectible du compagnon de pèlerinage, enfin en décrivant les aubergistes sous l'aspect de la cupidité qui ne recule devant rien. Cette thématique jacquaire ne doit rien à Ami et Amile où le miracle final n'est pas mis sur le compte de l'Apôtre. (N.D.L.R)
3 - Ami et Amile, édit. de Peter F. Dembowski, Champion, Classiques français du moyen âge, 1969; traduction en français moderne de J oël Blanchard et Michel Quéreuil, Champion/traductions, 1985.
4 - Pour des explications plus détaillées, voir l'introduction à l'édition des Dits de Jehan de Saint-Quentin, par B. Munk Olsen, SATF, 1978, pp.XXXII-XXxVIII.

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