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mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil

Vagabond de Dieu

La société Hibou Production nous a fait parvenir un exemplaire d'un documentaire de Jean-Michel Le Saux intitulé Vagabond de Dieu. Ce documentaire se propose d'analyser les motivations des jacquets d'aujourd'hui. Nous l'avons regardé avec intérêt. En voici l'analyse par un pèlerin adhérent de la Fondation.


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Voila un film agréable à regarder avec de belles images. Elles feront rêver beaucoup d’anciens pèlerins qui se plairont à y retrouver des souvenirs « d’anciens combattants » comme ils aiment tant le faire.
L’auteur a cherché à répondre à la question qu’est-ce qui motive tant de pèlerins à marcher vers Compostelle ? Dans sa présentation l’éditeur écrit que le film « explore la notion de chemin et de cheminement intérieur ».
Le réalisateur le fait par des témoignages de pèlerins et d’hospitaliers rencontrés sur le chemin et par ses propres commentaires au long de ses étapes entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Compostelle. La question posée est bien sûr sans réponse unique, tant sont différentes les situations et les démarches individuelles. Le film illustre bien cette grande variété des réponses. Mais, malgré sa longueur de 54 minutes, l’exploration reste superficielle. L’auteur n’a pas assez creusé les réponses de ses témoins. Frustrés par l’interruption trop rapide de témoignages intéressants, nous avons eu l’impression de survoler un territoire plus que de l’explorer. /td>

Par contre, le film insiste trop, à notre avis, sur des séquences identiques sans rapport direct avec le sujet qu’il prétend traiter : les tampons, les ombres sur le chemin, les tablées et les dortoirs, les pieds … Ces séquences rendent bien compte de la vie du chemin avec son caractère répétitif, banal et parfois monotone, voire ennuyeux. Elles ne répondent pas à la question « pourquoi faire le chemin ? ». A moins que certains ne prennent le chemin pour collectionner des tampons, voir leur ombre, retrouver l’ambiance du régiment ou soigner leurs pieds … ? Fallait-il en outre perdre du temps sur le choix d’un bourdon fantaisie ?

De bonnes choses auraient mérité d’être approfondies :
- l’importance de la durée du pèlerinage, et de son impact sur les sensations, les émotions, la spiritualité … tout cela est certes difficile à dire, mais beaucoup de pèlerins rapportent des récits de « petits miracles du chemin » qui en sont l’illustration,
- la référence à l’Apocalypse et à la Jérusalem Céleste, à l’origine de l’image des millions de pèlerins dans les pas desquels les pèlerins d’aujourd’hui croient mettre les leurs. Le spectateur non averti relèvera-t-il cette idée récente de pèlerins symboliques constituant la foule des élus ? Ce sera d’autant plus difficile que l’auteur présente encore l’image traditionnelle de foules réelles.
- les haltes spirituelles : beaucoup d’images auraient mérité un commentaire, ce que ressent le spectateur assis dans son fauteuil n’est pas ce qu’a vécu le pèlerin, comment le lui faire découvrir ?
- les relations avec les habitants des villes et villages traversés, au-delà d’un Olla ou d’un salut de la main.
Nous avons regretté l’absence quasi-totale de saint Jacques. Sans doute est-ce significatif de son absence dans le cœur et l’esprit des pèlerins ? Le film montre de belles photos de statues mais n’en dit rien. A chacun de faire son commentaire ou de réveiller ses souvenirs. La place modeste de l’Eglise en dehors de la bénédiction de Roncevaux, de la soupe à l’ail traditionnelle d’un curé espagnol et de la cathédrale de Compostelle est sans doute également significative du faible l’intérêt que lui portent un grand nombre de pèlerins.
Nous avons apprécié l’absence des erreurs historiques habituelles dans tout ce qui concerne Compostelle, en dehors de la mention de « plus grand pèlerinage de la chrétienté ». Elle figure malheureusement sur la boîte du film et colporte ainsi un des poncifs traditionnels.
Le final montre bien l’émotion des pèlerins qui se retrouvent puis se quittent à Compostelle, émotions partagées, fruits des amitiés du chemin d’autant plus profondes qu’elles sont éphémères.

En résumé, il nous a semblé que l’auteur avait traité deux sujets : le reportage sur la vie du chemin et le documentaire répondant aux questions posées au début du film. A moins que ces deux sujets ne soient inséparables et que la vie sur le chemin, avec sa monotonie et sa banalité ne soit en fin de compte la réponse unique à la question posée ? Cette réponse serait alors «on marche sur le chemin pour rompre avec le quotidien ».
Il resterait ensuite à répondre à la question « pourquoi vers Compostelle » en dehors d’un effet de mode et d’un engouement médiatique ? C’est la « magie » de Compostelle. A quoi tient-elle ? Si le film met en marche de nouveaux pèlerins son auteur aura su la transmettre sans la définir mieux que ceux qui s’y sont essayés avant lui. La magie tiendrait-elle alors dans le titre « Vagabond de Dieu » ? Ce Dieu qui n’est présent qu’en creux dans le film parce qu’Il se révèle seulement à qui sait voir et écouter. Ce Dieu qui a dit « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé », si tu ne t’étais mis en chemin. Ce « Dieu du chemin » que n’enferme aucune Eglise.

Jacques d’Anvailles
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