Il apparut que, à l’exception du Lieu (canton de Vaud) qui porte
depuis 1925 sur sa bannière l’effigie du pèlerin saint
Poncet qui passe pour avoir évangélisé la région,
les communes ont adopté les armoiries de leurs anciens seigneurs,
lesquelles portent des coquilles n’ayant de rapport ni avec Compostelle
ni même avec saint Jacques, à une ou deux exceptions près
:
• La famille de Grandson a chargé ses armoiries de trois coquilles
d’or après la croisade de Barthélémy II de Grandson,
parti en 1146. Elle a légué ces coquilles à plusieurs
lieux du canton de Vaud qui ont eu un lien plus ou moins direct avec elle
ou ses vassaux : Grandcour et L’abbaye depuis le Moyen Age, Vaux-sur-Morges
depuis 1919, Montricher et Sévery depuis 1921, Trycovagnes et Senarclens
depuis 1926 et Pizy depuis 1930.
• La famille de Grailly portait « D'or à la croix de sable chargée
de cinq coquilles d'argent », vraisemblablement parce que Jean III de Grailly
fut sénéchal de Jérusalem pour le roi Hugues de Lusignan
en 1272. Dans le canton de Genève, Presinge (1924), Céligny (1924)
et Cartigny ont gardé ces coquilles.
• Dans le canton de Vaud, les coquilles des anciens seigneurs ont été reprises à Goumoens-le-Jux,
Saint-Barthélémy, Gilly, La Chapelle, sans qu’on connaisse
la raison de leur adoption par ces seigneurs.
• Dans le canton de Vaud, les armoiries de Trey racontent comment, au XVe siècle,
Jacob de Trey avait choisi pour armes une échelle de Jacob montant jusqu’à un
nuage. Abram de Trey s’étant converti au catholicisme, le nuage
se transforma en coquille et l'échelle en chevron d'or.
• Dans le Valais, Dorénaz porte une coquille, qui fit partie des armes
du recteur de l’hôpital Saint-Jacques de Saint-Maurice dont elle était
dépendante (enfin un rapport avec saint Jacques, mais non pas avec Compostelle).
Force fut donc à l’auteur de convenir que les liens avec la Galice étaient
inexistants, malgré quelques tentatives maladroites de placer telle ou
telle commune sur les « chemins de Saint-Jacques ».
Jean-Marc Vionnet a alors cherché ailleurs et trouvé une piste
plus satisfaisante, même si elle reste hypothétique.
En Suisse, les armoiries ne sont pas l’apanage de la noblesse et pratiquement
toutes les familles en possèdent. Encore à l’heure actuelle,
des familles se faisant naturaliser ou de nouvelles branches familiales se font
réaliser des armoiries par un héraldiste. Les ‘’meubles’’ y
figurant peuvent avoir un rapport avec l'histoire familiale, le lieu d'origine
ou le métier du commanditaire. Dans de nombreux cas, la symbolique est
directement issue de l’étymologie ou liée littéralement
au nom de famille, par exemple une roue de moulin et des épis de blé pour
le patronyme Meunier. Plus complexe, le saint Jacques en pied figurant sur les
armoiries d’une famille Mettaz, diminutif de Jacquemettaz. Dans ce cas,
le personnage est directement représentatif du prénom Jacques figurant
dans le patronyme originel. Elles peuvent aussi être choisies d'après
des critères purement esthétiques au goût personnel du mandant
ou de l'héraldiste.
«
Il est probable, dit-il, que les armoiries de mes ancêtres datent de 1848,
au moment où ont été reçus bourgeois de Monthey Antoine
et Louis-Frédéric. Comment auraient-ils choisi ? Par allusion à leur
nom, diminutif de vion, « le petit chemin », lui-même diminutif
de via, la route ? Eux qui avaient pris le chemin de l’émigration
depuis leur Jura natal, n’ont-ils pas voulu en choisir les symboles, l’étoile,
la coquille et le bourdon ? Les membres de cette famille étant sabotiers
de père en fils, n’y aurait-il pas là une représentation
symbolique ‘’plus noble’’ de cet attribut, chaussant
les plus modestes et sans doute aussi les pèlerins de l’époque
? »
«
Une lettre découverte récemment aux archives cantonales valaisannes,
me permet d'échafauder une autre hypothèse. Venant de Franche-Comté,
remarié dans le canton de Fribourg, Claude François Vionnet arrive
en 1803 dans la ville de Saint-Maurice avec ses deux enfants mais sans son épouse.
Modeste sabotier et sans doute doté d'un caractère bien trempé,
au vu des nombreux actes de justice retrouvés sur son compte, le père,
accompagné de ses fils n'est pas le bienvenu dans la ville. La lettre que
le
Conseil
de
la
ville écrit au Grand Baillif de la République du Valais pour
justifier sa décision d'expulser cette famille, pratique très courante à l'époque
envers les étrangers désirant s’établir, est très
explicite à ce sujet. Trouvant asile à Monthey, à quelques
kilomètres de là, on les retrouve pourtant en 1807 dans un hameau
voisin de Saint-Maurice pour une courte période. Durant leurs séjours
dans cette ville, ont-ils fait appel à l'hospitalité de l'hôpital
Saint-Jacques dédié à l'accueil des pèlerins, nombreux à ce
rendre sur le lieu du martyre de Maurice, chef d’un détachement
de la légion Thébaine? Ont-ils fréquentés ces mêmes
pèlerins dans le but de leur vendre des sabots ? »
Reste maintenant à retrouver trace de la commande faite en son temps à l’héraldiste,
tâche difficile car au XIXe siècle, les armoiries ne faisaient pas
encore l’objet d’un enregistrement officiel.
On sait que le pèlerinage
de Compostelle était chose connue à Monthey, en tous cas depuis
le XVème siècle. Claude Revilliodi (Revillod), qui fut notaire
dans cette ville, nous a laissé à travers ses notes rédigées
au jour le jour entre 1490 et 1525 une foule de détails sur le quotidien
de l’époque. Trois de ses ‘’minutes’’ mentionnent
des pèlerinages qu’il a effectués durant sa vie. Le premier
de ceux-ci le conduira à Saint-Jacques-de-Compostelle, un périple
de quelques 5000 kilomètres. Parti le 28 décembre 1486 avec cinq
compagnons de route issus de la région, il est de retour le 5 avril 1487.
Le second pèlerinage le mènera au Puy-en-Velay en 1504 avec quatre
autres accompagnants. En 1518 il effectuera un autre pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Il est possible que d’autres habitants de Monthey aient emprunté le
même chemin avant ou après lui, mais les archives de la ville ne
nous en disent pas plus sur le sujet.
Bibliographie
Armorial des Communes genevoises. Publié sous les auspices des Archives
d'État. Editeur,
Fred. de Siebenthal, 1925.
Armorial et Nobiliaire de l'Ancien Duché de Savoie, par le G" Ed.
Amédée de Foras.
Armorial genevois.
Armorial des communes vaudoises.
Armorial illustré des communes fribourgeoises.
Dictionnaire historique et biographique de la Suisse.
Armorial valaisan.
Armorial vaudois.
- Académie chablaisienne, XXXII, 114
- Constantin et Désormaux, Dictionnaire savoyard, 1902
- Bridel, Glossaire du patois de Suisse romande, \1866
- Jaccard, MDR, 2' série, VII, 518
- « Valesia » t. XXIII, Sion , 1968 – ‘’Les annales
du notaire monthesan Claude
Revilliodi’’ de Cartherine Santschi
Informations sur la ville de Saint-Maurice : www.st-maurice.ch
Pour visualiser les armoiries des communes citées ci-dessus : atlasgeo.span.ch/communes/
Pour tout savoir sur les blasons et les armoiries : www.grand-armorial.net
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