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mise à jour le 12 mai, 2005 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil
 

Le mystère du tombeau de saint Jacques à Echirolles (Isère)

Jusqu’au XVe siècle, il était officiellement admis que l’église Saint-Jacques d’Echirolles abritait le corps de saint Jacques. —« Faux ! » s’exclament les gens raisonnables auxquels on répète depuis quatre siècles qu’il s’agissait du corps d’un simple pèlerin de Compostelle, honoré comme saint par des esprits crédules [1] . Mais l’étude des textes permet de revenir sur cette affirmation et de prouver que pendant des siècles, le corps vénéré à Echirolles fut considéré comme l’authentique corps de l’apôtre saint Jacques. Il était vénéré comme guérisseur et comme protecteur des eaux du Drac. L’emplacement exact de ce tombeau est aujourd’hui oublié. Peut-être un jour, comme à Compostelle au IXe siècle, quelque signe surnaturel permettra de le retrouver !

Du haut de la falaise d’Echirolles, saint Jacques veille sur les démons cachés du Drac

Dans l’actuelle banlieue de Grenoble, Echirolles est placé sous le patronage de saint Jacques, depuis une date que l’on ignore. Les premiers documents écrits à mentionner la chapelle de l’un des quatre hameaux composant la paroisse d’Echirolles datent des XIIe et XIIIe siècles [2] mais ne donnent aucun vocable, ce qui est d’ailleurs une imprécision courante. Seul un texte [3] mentionne, peu après l’an Mil, entre Grenoble et Vizille, «la voie publique qui va vers Rome ou vers Saint-Jacques». Il s’agit de l’ancienne voie romaine Vienne-Grenoble-Briançon-Milan devenue plus tard le chemin ferré, route royale qui, au-delà de Grenoble passe à Echirolles, Vizille puis tend vers Briançon. Les formes latines employées ne permettent pas de savoir quel est ce saint Jacques mais il est permis de s’interroger car Echirolles est précisément situé sur cette route… tandis que Compostelle n’est pas dans cette direction. Et, si l’on en croit un texte du XVe siècle, l’endroit était fréquenté par des gens circulant sur cette route, décrits comme «une foule nombreuse de personnes venant, à ce que l'on dit, de Rome [qui] disaient et assuraient qu'en ce lieu de nombreux malades graves retrouvaient la santé grâce au corps inhumé [4] ...»

                   La première chapelle Saint-Jacques n’était pas sur l’emplacement de l’église moderne, qui date de 1846 (au moment où Echirolles devint commune). Elle semble avoir été alternativement église paroissiale et chapelle d’un château, l’actuel «château Saint-Jacques», sur une hauteur, la plaine étant à l’époque inhabitable.


Stèle du temple de Mercure  
 
 

A l’entrée se trouvait une stèle romaine mentionnant Mercure par son inscription : Mercurio L. Manilius Silanus, ultime souvenir du  temple sur lequel la chapelle aurait été construite. Elle est aujourd’hui collée à la façade du château (sans doute déplacée en 1847 lors de la démolition de la chapelle). Le tombeau de saint Jacques était situé devant cette chapelle, un peu à droite. En 1678, l’évêque de Grenoble précise qu’il y a, au-dessus de ce tombeau « une grande pierre en forme de piédestal, qui paraît fort ancienne et n’avoir pas été faite pour ce lieu » (la stèle romaine ?). La position de ce tombeau en fait sa particularité, situé sur une falaise dominant le cours du Drac. Un peu en arrière, un « petit bras du Drac ». Ce Drac, dont le nom signifie « Dragon » était éminemment dangereux, avec un cours changeant et des inondations fréquentes qui noyaient Grenoble, située au confluent avec l’Isère (aujourd’hui, le cours de la rivière a changé, et le confluent s’est éloigné de Grenoble).

                   Or, une des spécificités de saint Jacques est de protéger du démon, donc des démons qui hantent les eaux. On le voit invoqué par des naufragés, peut-être à cause de la légende qui montre le corps supplicié de saint Jacques arrivant sur les côtes de Galice après avoir traversé la mer sur une barque de pierre dépourvue de voile et de gouvernail. Le livre des Miracles [5] consacre à des sauvetages en mer quatre miracles sur vingt-trois. Saint Jacques y apparaît comme un habitant des profondeurs marines répondant au premier appel du pèlerin en détresse. Dans le premier il surgit tellement vite du fond de la mer qu’un Sarrasin lui demande Es-tu le Dieu de la mer ? ce à quoi il répond clairement Je suis le serviteur du Dieu de la mer. En 1330, pour Guillaume de Diguleville dans Le pèlerinage de vie humaine, la mer est l’image du monde, dans laquelle s’agitent et se noient les hommes [6] .

Ceste mer … que vois
Est le monde qui nulle foys
N’est que ens il n’ait tourmente
Pour vaine Gloire qui vente.

 

Le pèlerin qui arrive devant cet obstacle voit qu’il ne peut pas aller seul plus avant et se met en quête d’un bateau qui puisse l’aider à passer outre. A peine a-t-il fait quelques pas le long du rivage qu’il voit arriver une bête horrible occupée à pêcher. Il comprend que :

La beste sauvage
Qui pesche sus le rivage …
Celle beste Sathan a nom
Qui met tout s’entention
D’avoir tous ceus qui sont en la mer …

Eaux salées ou eaux douces, pour saint Jacques, c'est le même combat contre le démon.

Le pèlerinage à Saint-Jacques d’Echirolles, une tradition officielle.


Le cours du Drac avant le XVe siècle
(cliquer pour agrandir)

plan extrait de :
A la recherche du vieil Echirolles

Pendant des siècles, le Drac interdit l’utilisation de la plaine, obligeant les maisons à s’installer sur le coteau, au long duquel chemine la voie romaine. Le souci constant des habitants et autorités politiques de Grenoble et des alentours fut de se protéger des inondations du Drac et de ses fréquents changements de lit. Le monstre aquatique résistait à toutes les digues qu’il balayait ou contournait, prouvant maintes fois qu’il cherchait la destruction de Grenoble [7]. Les grands travaux furent tout  naturellement mis sous le patronage de saint Jacques, qui semblait seul capable d’aider les hommes impuissants en échange d’offrandes. Au XIVe siècle, les comptes de la ville de Grenoble [8] (1386-1387) montrent que, chaque année le 25 juillet, les édiles en grande tenue se rendaient en procession en pèlerinage à Echirolles afin de déposer une « offrande d’une émine de noix à l’église de Saint-Jacques d’Echirolles pour que les eaux du Drac ne causent aucun dommage à la ville et au territoire de Grenoble ». Il est évident que la coutume était beaucoup plus ancienne, car les corps constitués d’une ville ne se rendent en pèlerinage que dans des sanctuaires reconnus.

Les notables quittaient la ville à pied, suivis de la foule. Arrivés au bas du chemin qui monte à la chapelle, ils étaient accueillis par les habitants d’Echirolles portant une statue de saint Jacques. Tous se déchaussaient en signe de pénitence et montaient pieds nus. Après la messe solennelle et une collation faite aux frais de la Ville, accompagnés de maîtres maçons et de maîtres charpentiers les édiles parcouraient les bords du Drac jusqu’à sa jonction avec l’Isère afin de pouvoir ordonner les réparations jugées nécessaires. En 1407, l’évêque Aymon de Chissé est présent avec les consuls et les conseillers delphinaux.

Le corps de saint Jacques, deux fouilles archéologiques contradictoires

Les comptes du XIVe siècle ne parlent jamais d’un corps ni d’un tombeau, la première mention écrite ne datant que de 1488. A cette époque l’évêque de Grenoble Laurent Alleman, qui dirigeait le diocèse depuis quatre ans, s’avise brusquement de l’étrangeté du culte à saint Jacques pratiqué à Echirolles. Membre d’une riche famille très anciennement possessionnée à Echirolles, il n’avait jamais été étonné par ce tombeau qui se trouvait également à Compostelle. D es pèlerins disaient même que « Jacques avait été enterré au devant de l'église d'Echirolles et que sa mémoire y avait été honorée, mais que sa tête avait été portée en Galice » en 1107 [9] . C’était l’époque où, à Compostelle, on ne montrait aux pèlerins qu’une statue reliquaire renfermant une tête de saint Jacques, due à la munificence de l’archevêque français Béranger de Landore.  [10] . Rien là que de très normal pour l’époque : Il suffit pour cela de se rappeler la réflexion de Jean de Tournai en 1490 qui a vu le tombeau de Toulouse avant de voir celui de Compostelle : « Pour conclusion, je n’en veux point faire débat. Il [saint Jacques] est en Paradis et à ce je me conclus et accorde… » [11] .  


 Sous ce tumulus, le tombeau ? 

 


  
Derrière ce mur des sous-sols, le corps emmuré ?  

Mais Laurent Alleman fait partie des évêques qui, dans un contexte de Pré-Réforme et en accord avec Rome, s’efforcent de rationaliser le culte des saints. Le 12 mai 1488, il décide de procéder à une inspection di scrète. Sans escorte et nuitamment il arrive à Echirolles. En la seule compagnie du curé et d’un terrassier, il procède à la visite de la fameuse tombe. «A la seule lueur des étoiles», pour ne pas attirer le moindre promeneur nocturne, un trou fut creusé. A quatre pieds de profondeur apparut une voûte que l’évêque ordonna de percer. Seulement alors un flambeau fut allumé et les trois hommes découvrirent «un corps d'une grandeur non commune, étendu sur la terre et un pot de terre entre ses cuisses». L’évêque descend afin de voir de plus près, «regarde avec plus de soin et découvre que ce corps n’avait point de tête». Voilà donc la tradition confirmée ! Que faire ? Tout d’abord ne pas divulguer cette découverte mais il en est néanmoins rédigé un compte-rendu non conservé aves les comptes-rendus officiels des visites épiscopales. (On ne connait ce compte-rendu de visite [12] -aujourd'hui disparu-  que grâce à une copie qu'en a faite, au XVIIe siècle, Nicolas Chorier, le scrupuleux auteur de l’Histoire du Dauphiné). Que faire ensuite ? Doter le squelette d’une tête, rapidement et discrètement, pour détruire l’authenticité du sanctuaire. Enfin, organiser une visite officielle. Ce qui fut fait : le 4 juillet 1488, Laurent Alleman arrive en grande pompe à Echirolles [13] . Après avoir été «reçu processionnellement et avec dignité, avec une croix et de l’eau bénite», il sortit de la chapelle et ordonna «de découvrir et d’écarter les p ierres d’un certain tumulus dans lequel on affirme que se trouvait le corps de saint Jacques. Accompagné de témoins, tous vénérables et savants hommes», l’évêque descendit dans le tombeau. Après avoir «écarté les grandes lauzes qui sont au fond», il mit au jour des «os presque complets d’un corps humain et également de très grands os de tibias et une tête intacte dans ses os, sauf quelques dents, trois ou quatre environ, détachées de cette tête qui était de grande capacité». Puisque le corps est pourvu d’une tête, la conclusion s’impose d’elle-même, il ne s’agit pas de saint Jacques.

En comparant point par point ces deux visites, il éclate qu’après la première descente au tombeau on a bien procédé à une modification de la sépulture et qu’on a adjoint une tête au corps qui en était dépourvu. Pour faire bonne mesure, quelques détails ont été modifiés afin de faire croire que le corps n’était pas inhumé depuis longtemps : on a ajouté «un pot de terre rempli de charbon non brûlé», ce qui était à l’époque une coutume funéraire récente en Dauphiné. Et, preuve suprême, «on trouva aussi un petit morceau de fer, semblable à un fer de bourdon, qui était au pied dudit tombeau à côté des tibias», afin d’accréditer la thèse du pèlerin mort au bord de la route. L’évêque conclut donc que ce corps est celui d’un inconnu dont on est «en recherche de connaissance auprès de notre saint pape et du saint Siège apostolique». En attendant, son verdict est sévère : — «le dit corps ne doit être vénéré publiquement comme saint, ni aucun office solennel célébré dans l'église en son nom, et l'on doit ignorer les racontars, traditions et prodiges, sous peine d'excommunication».

Le pèlerinage après l’interdiction de 1488.

Cette interdiction n’a troublé personne, pas même les édiles de Grenoble qui l’ignorent avec une superbe indifférence : en décembre de cette même année 1488, le nouveau règlement de la ville [14] inclut un article intitulé Des torches qui doivent être portées à Saint-Jacques d’Echirolles qui rappelle que chaque année, les consuls devront porter à Echirolles quatre torches du poids de quatre livres chacune, peintes aux armes de la ville. Mais il est indéniable que les autorités cherchent à faire oublier ce tombeau. Par exemple en 1497 [15] la chapelle est simplement dite fondée «en l’honneur de saint Jacques apôtre». Dans le même texte apparaît une indication supplémentaire permettant de remonter bien plus haut dans le temps : la chapelle Saint-Jacques est «sur le temple d’Echirolles», ce qui prouve que telle était l’opinion au XVe siècle


De la statue de saint Jacques (vers 1500)
ne restent que le socle et les pieds, symboles du pèlerin 
 
  

Plan d’Echirolles 
(cliquer pour agrandir) 
  

Le château Saint-Jacques,
sur la falaise dominant la vallée du Drac
  

En 1500, sans doute pour couper court à toutes ces traditions, le curé du lieu fait faire une statue de saint Jacques avec cette inscription gravée sur le socle Anno domino quingentesimo fecit fieri dominus Aymo de Charansonnay, curatus Sancti-Jacobi Eychrolay  (Le musée Dauphinois de Grenoble en conserve les restes : le socle et les pieds nus). Dorénavant, cette statue devient l’élément central de la procession des consuls, ainsi qu’en témoignent les comptes de 1539 : Le jour de la fête, ils viennent «offrir quatre torches avec les armes de la ville et fère la procession et pourter saint Jacques» [16] . Ce n’est plus une relique qu’on honore, mais une statue. Pourtant, ce curé avait remis en état le tombeau dont la voûte avait été brisée par les fouilles, plaçant en son milieu une couverture de planches et l’entourant d’une grille [17] . Mais déjà se modifient les anciennes coutumes. Au siècle suivant, en 1622 les consuls ne viennent plus à pied mais à cheval [18] . Encore un siècle et, en 1721, c’est en carrosse qu’ils pèlerinent ! Les torches sont transportées sur un cheval et le banquet n’a plus lieu à Echirolles mais au retour qui doit donc s’effectuer très vite [19] . Enfin il est permis de se demander si, en 1847, la décision de ne pas reconstruire l’église nouvelle à l’emplacement de la  vieille chapelle démolie ne procède pas de la même volonté de faire oublier définitivement le lieu où fut inhumé ce corps de saint Jacques non conforme aux volontés de l’Eglise nouvelle. Ce lieu est aujourd’hui bien oublié. Il ne semble pas avoir été profané à la Révolution. A-t-il été démoli en même temps que la chapelle, dont les matériaux ont servi à la construction du presbytère actuel ? Il ne semble pas que les acquéreurs successifs de l’ancien presbytère, de ses dépendances, de  l’emplacement de la chapelle après sa destruction et de l’ancien cimetière qui l’entourait n’aient jamais rien trouvé, malgré toute l’envie qu’ils pouvaient en avoir… et en ont encore… Des fouilles scientifiques ne sont pas à l’ordre du jour…

De tels sanctuaires, même lorsqu’ils ignoraient Compostelle — ce qui ne fut pas le cas pour Echirolles— ont fortement contribué à la diffusion du culte de saint Jacques. Ils ont alimenté l’imaginaire des fidèles et, les ont certainement incités à entreprendre le grand voyage. Et ce sont eux qui, de proche en proche, ont créé les «chemins de Saint-Jacques» car à partir du XVIIe siècle les sanctuaires locaux disparurent progressivement au profit de Compostelle.

 

Denise Péricard-Méa, juillet 2003

Bibliographie :

Ruby (dir.), A la découverte du vieil Echirolles, La Tronche, société des écrivains dauphinois, 1970

Avec tous nos remerciements aux membres du personnel m unicipal  et aux habitants de l’ancien presbytère et du château Saint-Jacques (juillet 2003).


[1] Collectif, A la découverte du vieil Echirolles, La Tronche-Montfleury, 1970.

[2] Pouillés des provinces de Besançon, de Tarentaise et de Vienne, éd. E. Clouzot, Paris, 1940, p. 305 et 388

[3] Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble, dits cartulaires de Saint-Hugues, éd. J. Marion, Paris , 1869 : Cartulaire B, chartes XVI-XVII p. 93 et svtes.

[4] Visites pastorales et ordinations des évêques de Grenoble de la maison de Chissé(XIVe-XVe siècles) », éd. U. Chevalier, Documents historiques sur le Dauphiné, 4° livraison, Lyon, 1874, visite pastorale de l'évêque Laurent Allemand du 4 juillet 1488,  p. XVIII-XIX

[5] MENACA, (M. de), Histoire de saint Jacques et de ses miracles au Moyen Age, Nantes, Université, 1987.

[6] Paris, bibl. nat. ms. fr. 1138, fol. 95

[7] Pilot, (J.J.A.Recherches sur les inondations dans la vallée de l’Isère, Grenoble, 1856.),

[8] GRENOBLE, arch. mun.,CC. 1402, compte des deniers communs.

[9] CHORIER, (Nicolas), Histoire générale de Dauphiné, Lyon, 1661-1672, t.II, p. 30-31, d’après un document disparu depuis.

[10] Hechos de don Berenguel de Landoria, arzobispo de Santiago, éd. et trad. M. Diaz y Diaz, Universidad de Santiago de Compostela, 1983, § 99

[11] VALENCIENNES, bibl. mun. , ms.493, Voyage de Jean de Tournai, 1488, fol. 291v°-292

[12]   Chorier, (Nicolas), Histoire générale du Dauphiné…  p. 492, livre XV (1483-1511)

[13] Visites pastorales et ordinations des évêques de Grenoble… < /i>p. XVIII-XIX

[14] GRENOBLE, arch. mun., FF. 5, règlement de police de la ville.

[15] Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble… p. 319

[16] GRENOBLE, arch. mun., BB 12, comptes des deniers.

[17] PARAVY, (P.), De la chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné, Rome, Ecole française, 1993, 2 vol., t.I p. 719, Arch. dép. Isère, 4 G 261 fol. 131v°-133

[18] GRENOBLE, arch. mun.,CC 755, comptes des deniers.

[19] GRENOBLE, arch. mun.,CC 927, comptes des deniers.

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