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A propos de Madeleine(s)

 

Un des plus beaux avatars de Magdeleine, sous un aspect modeste, prend la forme "de ces gâteaux courts et dodus appelés "Petites Madeleines" qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille Saint-Jacques" (Proust, Du côté de chez Swann).
Le Dictionnaire étymologique de la langue française (Bloch et Wartburg) nous apprend que ce terme apparaît en 1845, comme nom de gâteau, mais que dès le XVIIème on signale comme nom de fruit la "pêche-madeleine", un fruit "qui fond en eau comme la Madeleine est dépeinte fondante en larmes". Le nom du gâteau, lui, viendrait du prénom de la cuisinière (Madeleine Paulnier), qui inventa la recette.

Ces explications nous laissent sur notre faim. Un peu trop simplistes et historiques. La madeleine de Proust, qui porte "l'édifice immense du souvenir", est beaucoup plus qu'un petit gâteau, une friandise ordinaire. Le narrateur ne peut s'empêcher d'en noter les formes féminines : " petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot." Voilà bien la double caractéristique de Marie-Madeleine, selon la tradition, femme de chair et de plaisir, et pécheresse repentie.
La Madeleine que l'on mange voile à peine le nard "pistikos" que l'on boit (parfum versé sur les pieds du Christ). Emblème de la Femme, mère et amante, de celle qui guide les âmes sur le chemin de Saint-Jacques : coquille des pèlerins, coquille qui répand l'eau du baptême, et berceau de Vénus ; le gâteau couleur d'or, renflé, moelleux, procure la jouissance et la renaissance (la Résurrection du Temps) : image d'une simplicité enfantine - un éternel enfant nommé Marcel - image du sexe féminin, chaud, rassurant, qui fait accéder à l'intemporel, l'espace immobile où frémissent les Dieux.

Ainsi, une banale petite madeleine devient la matrice du livre (Serge Doubrovsky, La place de la Madeleine). Si la pierre rejetée par les bâtisseurs devient la pierre angulaire, la femme humiliée, chassée par les apôtres, devient la clef de voûte de la cathédrale proustienne. Le goûter que décrit minutieusement le narrateur ressemble au rituel d'une communion. Un homme mange une madeleine (Madeleine qui a "avalé" tant d'hommes, et absorbe ainsi le temps, la vie, le secret des origines, il retrouve en lui le Paradis Perdu, il devient femme : il détient le temps ( comme toute femme qui, par son flux menstruel, rythme le temps humain en se renouvelant) ; il est fécond et créateur, seul et comblé, sans limite dans l'unique durée. La madeleine disparaît dans la bouche du narrateur, la Lumière du Palais semble fondre sous les doigts avides : visible et transparente, obsédante, insaisissable, la Lumière poursuit, Magdeleine ou Marie, sa danse sur les chemins.

extrait de : Kelen, Jacqueline, Marie-Madeleine, Un amour infini : Marie-Madeleine, prostituée sacrée, Paris, Albin Michel, coll. espaces libres, 1982

Jacqueline Kelen, Marie-Madeleine, un amour infini,
éd. Albin Michel, coll. Espaces libres, p. 140-142
texte proposé par M-V C
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